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Miss Alfie, croqueuse de livres... & Compagnie !
22 novembre 2020

Le tour de manège - 1e partie

Le tour de manège

C’est un rituel annuel. Elle a beau commencer à scruter rides et cheveux blancs dans le miroir, pas un été elle ne manquerait de monter sur le manège.
D’un geste précis, le patron récupère le ticket jaune qu’elle lui tend, il la regarde s’installer sur le cheval gris, toujours le même.
Elle se souvient de sa mère qui lui disait de se tenir bien droite. Elle agrippe la barre sur laquelle le cheval est accroché et se laisse porter.

Haut, bas. Haut, bas.
La lumière fuse entre les feuilles. Le mouvement du manège, le vent dans les feuilles. Et ce rayon qui vient frapper son iris, qui la laisse dans une bulle blanche quelques secondes. Un coup de baguette magique, et la voilà partie dans le passé. Les souvenirs affluent au rythme du cheval.

Haut, bas. Haut, bas.
Elle observe les enfants autour d’elle. Ses pieds touchent le sol quand les leurs sont bien calés dans les étriers factices. Sur le côté, les parents sourient à leur progéniture plus ou moins rassurée, leur adresse des signes d’encouragement. Un père met deux doigts dans sa bouche et lance un sifflement. Tu seras un homme, mon fils, sur ton fidèle destrier, semble-t-il lui dire. Elle hausse les yeux et échange un regard avec le patron.

Haut, bas. Haut, bas.
Les vieux fauteuils en métal vert sont toujours là. Ses yeux se posent sur une dame âgée, assise bien droite, une main sur son sac posé sur les genoux. De l’autre, elle lance de discrets saluts à l’un des cavaliers. Une bourrasque s’engouffre dans l’allée du manège, les gravillons se mettent à courir et la poussière s’envole. La vieille dame s’inquiète, son visage se crispe, sa main libre vérifie sa coiffure, replace quelques boucle et reprend ses saluts.

Haut, bas. Haut, bas.
La musique du manège la transporte. Elle s’imagine à la fin du 19e siècle, vêtue d’une tenue d’équitation, chevauchant en Amazone dans des plaines enneigées. Mais elle ne sait monter que sur le cheval gris du manège du parc. Elle a bien tenté d’apprendre, deux étés de suite, de devenir une cavalière émérite. Juste pour être avec lui. Au bout de l’allée, elle aperçoit le moniteur d’équitation qui mène son nouveau groupe.

Haut, bas. Haut, bas.
Elle le sait, c’est le dernier tour. Le patron a commencé à ralentir le rythme, la musique s’étiole dans l’air. Les parents rajustent leurs sac, la vieille dame se lève doucement. Le haut-parleur rappelle aux impatients de bien attendre l’arrêt complet du manège. Le groupe de cavaliers n’est plus qu’un son assourdi de sabots sur les gravillons.

Haut… Bas… Haut… Bas… Stop.

Texte © Miss Alfie 2020.
Image : Le manège des tuileries, Alain Roy, Flickr

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