Miss Alfie, croqueuse de livres... & Compagnie !

Carrousel
lundi 26 avril 2021

Mudwoman - Joyce Carol Oates

Mudwoman

Alors qu'elle doit donner une conférence dans la région où elle a grandi, Meredith Neukirchen loue une voiture. Un voyage sur un coup de tête qui signe le début d'une spirale étrange pour cette brillante intellectuelle, présidente d'université...

Dans ma volonté de vider de ma PAL les livres qui y traînent depuis parfois plusieurs années, j'ai sorti Mudwoman, acheté quelques temps après la lecture de Nous étions les Mulvaney. Peut-être n'était-ce pas le bon moment pour lire ce livre (probablement d'ailleurs vu la période que nous vivons...), mais il est clair que j'ai l'impression d'être passée en partie à côté de ce roman...

Joyce Carol Oates met en scène une femme indépendante, à qui tout semble réussir. La quarantaine, Meredith est présidente d'une prestigieuse université. Diplômée de philosophie, elle a fait de brillantes études. Sa vie sentimentale est centrée sur son amant astronaute et marié, mais elle semble heureuse dans cet équilibre qui lui laisse le temps de s'investir professionnellement. Jusqu'au jour où l'histoire de Meredith ressurgit, où l'équilibre se révèle beaucoup plus fragile qu'il n'y paraît, où la corde sur laquelle Meredith marchait semble se rompre.

Au fil des chapitres, l'autrice monte une histoire trouble, dans laquelle le lecteur en vient à ne plus savoir ce qui est réel de ce qui est folie. Meredith flanche, mais le lecteur ne le comprend pas immédiatement. Il capte à partir d'indices que ce qui est relaté ne peut être vrai. A moins que ce ne soit ce qu'on lui a relaté jusqu'à présent ? C'est un roman qui vient explorer les troubles provoqués par la violence dans l'enfance, la résilience et la notion de deuil (ou de rejet du deuil...). 

Je dois reconnaître à Joyce Carol Oates un réel talent pour raconter l'installation de cette folie, de cette déstabilisation profonde, ce mal-être insidieux, qui rend le reste anecdotique, qui vient modifier la perception du monde de Meredith. Mais justement parce qu'elle le raconte très bien, Mudwoman est un roman glaçant, difficile, que j'ai probablement tenu volontairement à distance pour qu'il ne me touche pas trop. Une expérience étrange : j'ai conscience d'avoir lu un bon bouquin, mais non, je ne l'ai pas aimé.

Texte © Miss Alfie 2021.
Couverture : Mudwoman, Joyce Carol Oates, traduit de l'anglais (USA) par Claude Seban, éditions Points, 2014, 576 pages.

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jeudi 22 avril 2021

Blanc autour - Wilfrid Lupano et Stéphane Fert

blanc-autour1832, Canterbury, Connecticut. Alors que l'esclavage n'est pas encore aboli, il n'est plus pratiqué dans le nord des Etats-Unis. Une institutrice blanche, Prudence Crandall, décide d'ouvrir son pensionnat à des jeunes filles et jeunes femmes noires. Mais la bonne société du Connecticut ne l'entend pas de cette oreille...

Attention, coup de coeur !

Je suis une jeune européenne blanche. Je n'ai jamais connu ni le racisme, ni la ségrégation. On ne me contrôle jamais quand je me promène dans la rue. Tout juste si on ne me donnerait pas le bon Dieu sans confession. Et j'ai adoré cet album qui met en évidence le racisme structurel et les difficultés auxquels furent (et sont toujours) confrontés les noirs américains (et pas qu'eux au final...).

En s'inspirant de l'histoire vraie du pensionnat de Prudence Crandall qui dut fermer en 1834 après d'importantes violences commises par les blancs de Canterbury, Wilfrid Lupano et Stéphane Fert livrent un album percutant, extrêmement fort, puissant. C'est une histoire qui fait la part belle aux femmes, blanches un peu mais surtout noires, des femmes qui veulent s'instruire et exister au-delà de la place qu'on veut leur assigner. Si l'esclavage n'as plus court dans les états du nord en 1832, le lecteur se rend vite compte qu'il ne faut quand même pas trop mélanger noirs et blancs dans l'esprit de ces blancs tout puissants qui font les lois et emploient à leur service les anciens esclaves...

Il faut lire Blanc autour pour avoir envie de se battre avec ces filles et ces femmes qui tentent de trouver leur place dans une société patriarcale et blanche, dans une société qui va tous les dimanches à l'église ou au temple mais en refuse l'accès à ceux qui ne sont pas "comme eux". Parce que l'Autre les effraie et pourrait bien venir remettre en cause un jour ou l'autre leur position dominante. Continuons de nous battre pour une égalité d'accès au savoir, aux responsabilités, pour la fin des discrimination qu'elles qu'elles soient. Et Lupano et Fert, avec cette bande dessinée, contribuent à ce combat.

Texte © Miss Alfie 2021.
Couverture : Blanc autour, Wilfrid Lupano et Stéphane Fert, éditions Dargaud, 2021, 144 pages.

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lundi 19 avril 2021

Le médecin personnel du roi - Per Olov Enquist

Le médecin personnel du roi1770. Le royaume du Danemark est gouvernée par Christian VII, un roi d'une vingtaine d'années atteint de troubles psychologiques. Pour cadrer les poussées de folie du jeune homme, on fait venir à ses côtés un médecin, Struensee. Adepte de la philosophie des Lumières, Struensee va rapidement prendre une place importante à la cour jusqu'à remplacer le roi, y compris dans le lit de la reine.

Voilà un roman qui finira rapidement dans mes oubliettes littéraires malgré l'intérêt initial que je pouvais avoir pour lui... Mais le style de l'auteur n'aura réussi qu'à me laisser sur le bord du chemin, avec une écriture hachée, pleine de répétition. Ceci dit, on peut lui reconnaître une qualité : retranscrire assez bien grâce à ce style littéraire la confusion qui peut régner à l'époque à la cour danoise et dans l'esprit de Christiant VII...

Pourtant, le sujet est particulièrement intéressant puisqu'il m'a permis de découvrir un bout de l'Histoire du Danemark (certes, pas le plus brillant), un pays qui a enchaîné les rois incapables de régner au profit de courtisans bien heureux de s'emparer des commandes du royaume... Le tout dans un contexte de développement de la philosophie des Lumières, ce courant né en France et irradiant dans toute l'Europe.

A l'arrivé, Per Olov Enquist propose un ouvrage à mi-chemin entre le roman et l'ouvrage historique, dénué d'émotion, dans lequel je n'ai ressenti aucune empathie, ni pour cette reine qui veut faire exploser son carcan, ni pour ce roi manipulé et brisé dès l'enfance, ni pour ce médecin manipulateur derrière un visage taciturne...

Texte © Miss Alfie 2021.
Couverture : Le médecin personnel du roi, Per Olov Enquist, traduit du suédois par Marc de Gouvenain et Lena Grumbach, éditions Actes Sud, collection Babel, 2002, 368 pages.

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jeudi 15 avril 2021

Jeu blanc - Richard Wagamese

Jeu blancSaul est un indien Ojibwés. Il grandit dans sa famille, dans la nature, fuyant l'Homme blanc, jusqu'au jour où le destin et la civilisation blanche le rattrapent avec la mort de sa grand-mère. Saul est alors placé dans un pensionnat catholique où il va découvrir le hockey sur glace. Son talent avec des patins et un palet le mettent vite en lumière, mais dans un Canada raciste en plein coeur des années 70, Saul devra se perdre pour comprendre son histoire.

L'an dernier, j'avais découvert Les étoiles s'éteignent à l'aube, le roman qui fit connaître au public français Richard Wagamese. Après ce succès, son éditeur en français a fait traduire ce roman publié en 2012 au Canada. Avec la même force que dans le précédent, Richard Wagamese explore l'histoire des Indiens canadiens et le racisme d'un pays qui, vu de France, paraît tellement inclusif et formidable...

Mais comme dans toutes les belles histoires il y a des esprits malins qui viennent noircir le tableau, dans Jeu blanc la vie en contact avec la nature de Saul ne pouvait se poursuivre... On comprend rapidement que des rafles ont lieu dans les secteurs où vivent les Indiens pour scolariser de force les enfants et les convertir au catholicisme. On tente de gommer en eux toute leur culture ancestrale, les rites et traditions. Ils doivent rentrer dans le moule de l'Homme blanc... Mais pas trop non plus... Car le jour où Saul découvre le hockey, le sport des Blancs, il découvre que malgré tout le talent qu'il peut avoir, il restera un Indien qui ne peut jouer dans les plus grands clubs...

"Ensuite, dans les années soixante, nous nous enfonçâmes das le coeur sombre du nord de l'Ontario et nous fûmes haïs. Haïs. Il n'y a pas d'autre mot. Les Moose, une équipe sortie de la forêt, voulait prouver son talent dans les meilleures compétitions qui soient. Nous arrivâmes dans ces villes en hockeyeurs espérant disputer un match honnête, crosse à crosse, de bout en bout, juste et équitable. Mais ils ne nous virent jamais autrement que comme des Indiens. Ils ne virent jamais rien d'autre que des visages à la peau mate alors qu'ils auraient dû être blancs. Nous n'étions pas bienvenus parmi eux Et quand nous gagnions, les choses devenaient pires." (p. 157)

Ce roman est puissant, il vous soulève, vous embarque, jusqu'à sa fin qui m'a scotchée, qui m'a laissée au bord de la patinoire stupéfaite. Je n'y avais pas trop pensé, je voyais Saul comme quelqu'un de détaché, et puis cette lame de fond qui arrive... Je n'en dis pas plus, je vous laisse plonger dans ce roman de Richard Wagamese, un vrai grand écrivain canadien devant l'éternel.

Texte © Miss Alfie 2021.
Couverture : Jeu blanc, Richard Wagamese, traduit de l'anglais (Canada) par Christine Raguet, éditions 10/18, 2019, 264 pages.

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lundi 12 avril 2021

Le récital des anges - Tracy Chevalier

Le récital des angesLondres, 1901. La reine Victoria vient de mourir, et comme la tradition le veut chaque famille en profite pour se rendre sur la tombe de ses proches. C'est là que Maude Coleman et Lavinia Waterhouse vont se rencontrer. Le début d'une amitié d'enfance entre deux fillettes que beaucoup oppose, à commencer par les convictions de leurs familles respectives.

J'ai beau apprécier Tracy Chevalier, je dois reconnaître que certains de ses romans sont moins bons et moins efficaces que d'autres. Et Le récital des anges fait partie de ceux-là.

Dans ce roman choral, Tracy Chevalier donne la parole à une galerie de personnages, mères, filles, domestiques, et met en scène leur histoire sur une quinzaine d'années. On y découvre les secrets de chacun, les amours secrètes, les bassesses et les commérages des uns vis-à-vis des autres. Certains de ses personnages ont des profils très intéressants, comme Kitty Coleman. Mais elle n'a qu'une place annexe dans ce roman qui tourne pourtant beaucoup autour d'elle...

Par ailleurs, Tracy Chevalier prend l'option du roman choral, mais cette technique demande une vraie maîtrise du style pour donner une voix à chacun des personnages choisi. Or, ici, il y en a tellement qu'on ne retrouve finalement pas de spécificité, si ce n'est entre classes sociales : les domestiques vont avoir un parler plus familiers. Mais par exemple entre Maude et Lavinia, en dehors de leurs centres d'intérêt, rien ne permet de les distinguer. On les voit à peine évoluer, passer du statut de fillettes à celui de jeunes femmes...

A l'arrivée, je suis peut-être un peu dure, mais ce n'est clairement pas mon roman préféré de cette romancière. Pourtant, il abordait des thématiques qui me tiennent à coeur, notamment les droits des femmes (vote, avortement, etc.). Mais la forme narrative et ses longues ellipses dans le temps nous faisant passer par-dessus plusieurs mois en quelques mots n'ont pas su me convaincre. 

Rencontre manquée !

Texte © Miss Alfie 2021.
Couverture : Le récital des anges, Tracy Chevalier, traduit de l'anglais par Marie-Odile Fortier-Masek, éditions Gallimard, collection Folio, 2003, 448 pages.

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