Léon et Louise - Alex Capus

Le jour des obsèques de Léon, dans une cathédrale de Paris imposante, une femme entre, rend hommage au mort du jour et fait tinter la sonnette d'un vélo devant les yeux surpris des enfants, petits-enfants et arrières-petits-enfants du patriarche. Cette femme serait-elle la fameuse Louise, amour de toujours de Léon ? Alex Capus part à la rencontre d'un amour contrarié mais passionné...

Léon et Louise est un roman qui fait du bien. Un bien fou dans ces temps compliqués, marqués par le sang et la haine de l'autre. Léon et Louise est l'histoire de deux êtres qui finiront par pouvoir allier leurs histoires, grâce à la compréhension d'une épouse, grâce à la bonne volonté du destin aussi... Car rien n'était gagné pour ces deux-là, qui se rencontrent pendant la première guerre mondiale. Le destin, toujours le même, n'aura de cesse de les séparer dès le début... 

En se plongeant dans l'histoire de son grand-père, Alex Capus lui rend un bel hommage. Il dresse le portrait d'un homme d'honneur, un homme discret qui, par quelques actions, tentera aussi de résister à l'occupant, cherchant avant tout à protéger sa famille. Il faudra la force de caractère d'Yvonne pour accepter une situation délicate, une force de caractère très probablement motivée par la volonté de maintenir les apparences, maintenir un équilibre pas si mauvais que ça pour les enfants...

Avec beaucoup d'humour, de tendresse et parfois d'ironie, Alex Capus en profite pour dresser le portrait de Paris sous l'Occupation. On découvre une ville qui continue à vivre plus ou moins normalement. Certes, la croix gammée flotte à la place du drapeau français, mais l'image qu'il renvoie de cette période est loin de celle des camps généralement évoquée. Il y a comme un fossé entre ces vies qui seront totalement brisées, et celles qui se poursuivent... A la fois intéressant de s'en rendre compte, et dérangeant...

Très belle histoire d'amour, loin des niaiseries qui peuvent sortir, Léon et Louise se dévore, se savoure, et on rêve de croiser la mystérieuse Louise sur son vélo au coin d'une rue !

"Certes, entre deux baisers ou deux verres, on avait çà et là une pensée pour les boucheries qui s'étaient passées ailleurs ; mais était-ce une raison pour boire un verre de moins, donner un baiser de moins, danser une danse de moins ? Cela aurait-il servi à quiconque ?" (p. 166)

"Le service des Étrangers, le bureau 205 chargé du contrôle des étrangers et des réfugiés, était devenu célèbre bien au-delà des frontières nationales sous le nom de ministère de la Honte. Il se composait d'une centaine de ronds-de-cuir dont la tâche exclusive était d'espionner, de contrôler et de harceler tous les réfugiés et expatriés cherchant l'asile au pays des droits de l'homme et de leur rendre la plus difficile possible l'obtention d'une carte de séjour permanent." (p. 170)

"Léon observa avec horreur que la haine avait grandi en lui comme un arbre durant les mille jours qu'avait duré l'Occupation ; désormais, elle portait ses fruits. Jamais Léon n'aurait imaginé qu'il se frotterait les mains en apprenant l'incendie de Charlottenburg, jamais il ne se serait cru capable de jubiler tout haut en apprenant la mort de trois mille femmes et enfants en l'espace d'une nuit ; il constata avec surprise à quel point il nourrissait le désir ardent que la pluie de bombes continue de nuit en nuit jusqu'à ce que sur la vaste terre de Dieu plus un seul Allemand ne soit en vie." (p. 287)

Une lecture qui s'inscrit dans le cadre du Challenge Destination PAL de Lili Galipette !

Texte © Miss Alfie 2016.
Couverture : Léon et Louise, Alex Capus, traduit de l'allemand par Emanuel Güntzburger, éditions Actes sud, collection Babel, 2014, 320 pages.

Comments

[Lili Galipette]

Ça donne envie !!