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Miss Alfie, croqueuse de livres... & Compagnie !
9 septembre 2013

Un écrivain, un vrai - Pia Petersen

un ecrivainGary Montagiu est un écrivain reconnu. Alors qu'il vient de recevoir l'International Book Prize, il accepte plus ou moins malgré lui de participer à une émission de téléréalité "Un écrivain, un vrai" qui  le suivra dans son quotidien. Mais quelques mois plus tard, c'est reclus dans le sous-sol de sa maison dans un fauteuil roulant que Gary passe ses journées. Et si les feux de la rampe n'étaient pas toujours synonyme de bonheur ?

Avant toute chose, je dois remercier cette chère Lili Galipette pour avoir mis entre mes mains ce roman en me disant "Je pense qu'il te parlera." C'est que la Lili, elle commence à bien me connaître, et un roman qui évoque notre société de consommation basée sur l'image et ses travers risquait fort de faire écho chez moi.

Dans Un écrivain, un vrai, Pia Petersen nous emmène à la suite de Gary, auteur à succès reconnu aux États-Unis, marié à l'ambitieuse Ruth prête à tout pour briller dans l'ombre de son mari. Et s'il faut pour cela se fourvoyer et vendre son âme au diable, Ruth ne voit pas le problème.

"Être l'épouse d'un homme connu donne du magnétisme, de l'allure, un statut et toute son existence en dépend, sans cela elle ne serait rien et elle ne supporterait pas de n'être rien." (p. 45)

S'installent donc chez eux une myriade de micros et de caméras. Des milliers de téléspectateurs suivent chaque jour l'avancée du travail de Gary et votent pour indiquer s'ils aiment. Mais uniquement s'ils aiment...

"Gary demanda. Et ceux qui n'aiment ? Il n'y a pas de bouton pour eux ?
On ne veut pas savoir. On aime ou on tait.
Mais si l'on a que la possibilité de voter j'aime ce n'est n'est plus un vote." (p. 22)

Peu à peu, la production introduit un scénario, des aventures pour donner du piment à la vie de Gary, sans se soucier des émotions réelles des personnages. De spontanés, les protagonistes doivent devenir acteurs. Mais surtout, chaque jour, les spectateurs donnent leur avis et Gary doit suivre leurs desiderata pour la poursuite de son roman.

"Ce n'était pas son roman, c'était le roman des autres. Ce roman ne lui parlait plus. Il n'écrivait pas ce qu'il voulait, lui, mais ce qu'on attendait de sa part, on lui indiquait le chemin à suivre et il obéissait." (p. 71)

Et puis, un jour, la vie de Gary bascule. On n'apprendra le pourquoi du comment qu'à la fin du roman, Pia Petersen jouant, plutôt bien d'ailleurs, avec la chronologie, alternant des chapitres avec le Gary d'aujourd'hui et certains avec l'aventure de la téléréalité. A travers Gary, c'est toute une société que Pia Petersen interroge quant à son rapport à l'image et à la célébrité. En témoigne cette jeune femme que Gary croise...

"Vous êtes célèbre, je suis sûre que vous êtes célèbre et elle fouilla dans son sac et en sortit un calepin et un style et elle tendit le tout à Gary, pour un autogarpahe. Mais vous savez qui je suis ? répéta-t-il et elle dit non, pas précisément mais je sais que vous êtes connu et elle insista en ouvrant son calepin, ma signature, et Gary signa." (p. 192)

Qu'importe le fond, seule la forme compte. Qu'importe le contenu, pourvu qu'il plaise au plus grand nombre. Et s'il faut pour cela tirer la qualité vers le bas, qu'importe, puisqu'on vendra plus ! Qu'importe de se fourvoyer dans une prison dorée puisqu'elle rapportera de l'argent et de la gloire. Qu'importe. Jusqu'au jour où l'être humain ouvre les yeux et veut récupérer sa liberté de pensée et de parole...

"Il fabriquait désormais de la banalité, en faisait une star, un mythe. Les idées de son roman étaient ordinaires, petites, sans complexité. L'exaltation de la médiocrité." (p. 60)

Côté style, j'avoue avoir par moment eu un peu de mal avec l'écriture de Pia Petersen, qui manie avec parcimonie la ponctuation et raye les dialogues directs de son roman. Les phrases deviennent longues, comme des réflexions au fil de la pensée, notées dans un carnet mais pas encore mises en forme.

"Il a vu les feuilles devenir rouges et jaunes puis tomber, il a vu les branches nues, le rayon de soleil s'est fait rare puis il y a eu la neige, durant de longs mois la neige s'est accumulée devant la fenêtre et il ne voyait absolument rien à cause d'un mur blanc puis il n'y a plus eu de rayon du tout, plus d'ombre." (p. 27)

Néanmoins, ce style introduit aussi beaucoup de poésie et de musicalité dans le tout, et malgré ces petits bémols j'ai eu beaucoup de plaisir à suivre les réflexions de Gary et sa lutte secrète et interne pour conserver la plus grande richesse dont nous disposons tous : la liberté...

Ce qu'on en dit ailleurs :

  • Les lectures de Liliba : "Ce roman est passionnant en ce sens qu’il oblige le lecteur à se poser la question de l’emprise de la télévision, et notamment de la téléréalité, cette nouvelle forme de télé intrusive et indiscrète qui semble passionner le public, alors qu’on peut l’apparenter à du voyeurisme pur, et dont la médiocrité et la vulgarité ne font que s’accentuer au fil des émissions proposées."
  • L'insatiable : "Un hymne à l’écriture et à sa raison d’être, à la création et à sa place inégalable dans le monde !"
  • Sophielit : "Avec une bonne dose de cynisme, elle pointe les dérives de l’exposition médiatique, dans un monde où tout le monde apprécie les écrivains mais où presque plus personne ne les lit."
  • Le blog des livres qui rêvent : "Un très bon roman qui fait réfléchir à la place réelle de la littérature aujourd’hui dans cette même société."
  • Des galipettes entre les lignes : "En scénarisant la réalité pour la rendre plus vraie et plus intéressante, c’est plus que l’intimité d’un homme qu’elle met à mal : c’est l’espace sacré de la création qui est profané sur l’autel du voyeurisme et de l’audimat."

Texte © Miss Alfie 2013.
Édition présentée : Un écrivain, un vrai, Pia Petersen, Éditions Actes sud, 2013, 216 pages.

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Commentaires
S
de plus en plus tentant ce livre, je vais finir par l'inscrire sur ma LAL
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B
J'ai souvent entendu parler de Pia Petersen, et en bien.... Il faudrait que je lise un de ses livres un de ces jours ! Merci et bonne journée.
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L
Ah, je suis vraiment contente que tu aies aimé ce roman ! :)
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A
Il ne me tente pas, cet écrivain.
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