La passion selon Juette - Clara Dupont-Monod
Au XIIe siècle, le destin des femmes était tout tracé : apprendre la couture avec leur mère, aller à l'église, se soumettre à ses rites et être mariée à treize ans. Du moins, c'est ainsi que Juette voit son destin. Mais Juette pose des questions, remet en cause, se révolte dans une Europe qui voit apparaître les Cathares.
L'an dernier, j'avais beaucoup apprécié ma (re)découverte du destin d'Aliénor d'Aquitaine dans Le roi disait que j'étais le diable. Avec La passion selon Juette, publié quelques années plus tôt, Clare Dupont-Monod démontrait d'ors et déjà son talent pour raconter des destins de femme au Moyen-Âge.
Pour raconter l'histoire de Juette, Clara Dupont-Monod utilise un procédé qui m'a rappelé la narration à deux voix du premier roman que j'ai lu d'elle : ce sont Juette et son ami le moine Hugues de Flofette qui racontent ce destin inspiré d'une histoire vraie. Juette porte sur le monde qui l'entoure un regard qui dérange, seul Hugues semble comprendre cette révolte qui bouillonne en elle. Juette s'inscrit dans la lignée des cathares qui commencent à émerger à l'époque, mais seront aussi sévèrement puni pour oser remettre en doute l'Eglise et les pratiques de ses représentants (opulence, gourmandise, relations sexuelles avec les paroissiennes...).
Sans asséner de grands discours, Clara Dupont-Monod raconte avec justesse une époque et les bouleversements religieux qui l'animent. Avec un style tout en retenue, épuré mais percutant, voilà une auteure qui démontrait déjà de grandes qualités narratives !
"Moi, je commence à croire que l'Eglise n'a rien à voir avec Dieu." (p. 44)
"Elle n'a que des questions à la bouche. Personne autour d'elle ne peut y répondre. Il est horrible ce cri lancé en vain." (p. 51)
"Ailleurs, des hommes et des femmes se lèvent avec moi. Eux aussi ne comprennent pas le ventre gonflé des prêtres. Ils préfèrent suivre l'Ecriture qui préconise le dénuement. Je ne suis plus seule." (p. 77)
"Les papes condamnent, les évêques exécutent, les fils éventrent et les pères abandonnent. Voilà, pour eux, ce qu'est la force. Voilà leur ignorance et leur faiblesse." (p. 151)
Texte © Miss Alfie 2016.
Couverture : La passion selon Juette, Clara Dupont-Monod, éditions Livre de poche, 2009, 192 pages.