Impossible de grandir - Fatou Diome
Salie est invitée chez une de ses amies pour dîner. Mais cette simple invitation provoque chez elle une angoisse irraisonnée. A la veille de cette soriée, "la Petite" vient rappeler à Salie son histoire et l'aider à grandir.
Ce roman est le cinquième ouvrage de la sélection du Prix Océans que je découvre. C'est là encore pour moi l'occasion de découvrir une auteur dont j'ai entendu parler, notamment avec Le ventre de l'Atlantique qui l'avait révélé aux lecteurs français, mais que je n'avais jamais pris le temps de lire. Tout comme son premier roman, il semble qu'Impossible de grandir soit inspiré directement de la propre histoire de Fatou Diome.
Mon impression à l'issue de cette lecture est fortement mitigée, même si j'aurai plutôt tendance à avoir un avis assez négatif au final. En effet, en s'inspirant de sa propre histoire, Fatou Diome nous livre une histoire qui à de nombreux moments se rapproche d'une psychanalyse. On y comprend qu'au final, Salie ne supporte pas d'être invitée chez les autres car, enfant, elle fut invitée chez un oncle et une tante un été et découvrit que la tradition voulait qu'elle soit plus bonne qu'invitée... Ceci s'ajoutant à une critique de la société africaine et de ses codes concernant les filiations illégitimes...
Si je ne doute pas qu'il s'agisse d'une histoire lourde à porter et parfois compliquée à assumer, qui fasse naître frustration et colère, je me suis assez vite lassée de ce qui me semblait se rapprocher d'une diatribe colérique plus que d'un travail de résilience et d'acceptation. Il me semble qu'entre le contenu global et certaines phrases de l'auteur, un fossé existe... Mettre bout à bout des réflexions psycho-philosophiques ne suffit pas à mon goût à faire un bon roman...
"Grandir, ce n'est pas seulement empiler des années et faire semblant d'être un roc, c'est aussi accumuler assez d'honnêteté pour ne plus avoir honte d'avouer et, surtout, de s'avouer ses peurs." (p. 156)
Néanmoins, ce qui, pour moi, sauve ce livre est sa langue. S'il est une chose que je ne peux reprocher à Fatou Diome, c'est sa maîtrise des mots et du rythme de ses phrases. Par la cadence de sa ponctuation, par les répétitions d'expressions ou de mots, Fatou Diome scande une douleur comme les morceaux de musique qui accompagnent la réflexion de Salie. Elle image son histoire, ses pensées, peut-être pour mieux se cacher derrière et reculer le moment d'ouvrir les yeux...
"La sincérité, c'est ce petit monstre calfeutré en nous, qui menace de faire irruption chaque fois qu'une situation nous oblige à contraindre notre nature." (p. 82)
Si Impossible de grandir témoigne de son réel talent pour l'écriture, Fatou Diome aurait pu nous retracer la même histoire de fond avec moins de rancoeur et plus d'humour, moins de noirceur et plus de résilience. Mais étaler au-devant de tous ses frustrations familiales est peut-être pour certains un meilleur moyen d'arriver à leurs fins...
Ce qu'on en dit ailleurs :
- Et pourquoi donc ? : "Un livre puissant, sorte de suite du « Ventre de l’Atlantique », qui aborde avec courage quantité de sujets : l’intolérance des religions venues de l’extérieur, le problème de la polygamie, les lignées matriarcales et les traditions qui se perdent entre autres."
- Des galipettes entre les lignes : "Est-il prudent de se battre contre ses douleurs et ses manques, même s’il s’agit de dessiner la géographie d’une vie nouvelle ? C’est ce qu’explore Fatou Diome dans ce roman exigeant aux accents si personnels."
- BlablablaMia : "Fatou Diome nous parle avec pudeur mais également avec fermeté de ce qu'elle a vécu et ne devrait plus être."
- Moi, Clara et les mots : "Une écriture riche, poétique, puissante d'où jaillissent les émotions et où elle est capable de nous faire sentir des odeurs de son enfance."
Un roman lu dans le cadre de ma participation au Prix Océans 2014 !
Texte © Miss Alfie 2014.
Édition présentée : Impossible de grandir, Fatou Diome, Éditions Flammarion, 2013, 406 pages.