Sang Noir - Jean-Luc Loyer
Le 10 mars 1906, une catastrophe minière survient à Courrières et fait 1099 morts. Cet ouvrage raconte l'histoire de ce drame, le plus grave accident industriel de l'histoire de France, la plus grande tragédie minière de l'histoire.
Bon, vous avez l'habitude de mes chroniques BD, vous savez comment je me procure mes ouvrages. Je vous ai longuement parlé du dealer. C'est un garçon fort sympathique, je lui voue une admiration sans bornes et, à une seule exception (dont je ne vous ai jamais parlé ici), il ne s'est jamais trompé en me conseillant un ouvrage. Du coup, là, l'exception confirmant la règle, Sang Noir, je ne lui dois pas. Et toc. En fait, chaque semaine, je reçois une petite newsletter avec les sorties de la semaine et ce bouquin m'a attiré. Parce que j'aime bien les reportages. Parce que j'aime bien les récits historiques. Parce que j'ai une attirance pour le début du siècle. Parce que je sais que Futuropolis publie généralement des récits de qualité.
Comme à peu près tout le monde, de l'univers de la mine, je connais Germinal et le film de Claude Berri et c'est à peu près tout. D'ailleurs, Emile Zola s'est servi de Courrières pour écrire l'histoire d'Etienne Lantier et il fait une apparition dans cette BD. Après un prologue qui rappelle le contexte historique et social, le premier chapitre fait rappel et description générale du travail à la mine, avec le vocabulaire spécifique, le tout au travers de personnes que l'on retrouvera au cours de l'histoire.
La suite, c'est la catastrophe, causée par un incendie mal maîtrisé parce que la direction de la mine préférait la rentabilité au détriment de la sécurité des travailleurs. L'auteur relate cet accident vu des yeux de tous ses intervenants. On voit le combat des syndicalistes pour les conditions de travail de leurs collègues au fond de la mine face à des dirigeants qui recherchent avant tout le profit dans cette société qui a fait du charbon sa source d'énergie principale. On voit ce que font les journalistes et les politiques de cette catastrophe. Le contexte social était déjà difficile avant la catastrophe. C'est pourquoi le nouveau ministre de l'Intérieur, un certain Georges Clémenceau, n'a pas hésité à envoyer l'armée pour calmer (pour ne pas dire mater) la révolte qui monte. On voit également l'attente des familles des mineurs après la catastrophe, à attendre, de savoir si le mari, l'enfant, le cousin a péri dans cette mine ou en est miraculeusement sorti.
Evidemment, le destin des mineurs est central dans l'histoire. On y découvre les conditions de travail insupportables et la difficulté pour les survivants de se sortir de la mine. L'accident aura tout aussi bien tué sur le coup qu'après l'explosion, à cause des gaz, de la faim, de la soif. On apprend aussi l'histoire de ces treize mineurs qui auront survécu vingt jours dans la mine après l'explosion. Du coup, Sang Noir, en n'attachant pas à la seul catastrophe mais également à son contexte et à ses tenants et aboutissants, permet une vision globale de la chose.
Le dessin, comme une évidence, est en noir et blanc. Parce que l'époque le veut. Parce que la mine le veut. Parce que la tragédie le veut. Pourtant, le dessin ne verse pas dans un réalisme brut qui rendrait l'environnement et l'histoire trop lourde, trop pesante. Les personnages ne sont pas dénués d'humour malgré la catastrophe et les expressions sur les visages traduisent bien les émotions. Du coup la légèreté du trait ajoute une petite naïveté au prropos qui permet à ce dernier de ne pas être trop ampoulé ou renfermé sur l'aspect dramatique. Sang Noir est une lecture importante pour en connaître plus sur l'histoire industrielle du pays et c'est sans aucun doute l'un de mes coups de coeur de l'année 2013.
Texte © Alfie's mec 2013.
Edition présentée : Sang noir, Jean-Luc Loyer, Editions Futuropolis, 2013.