La mort muette - Volker Kutscher
Un projecteur se décroche au milieu du tournage d'un film parlant, provoquant la mort de l'actrice principale. Accident ou sabotage ? La police berlinoise est dépêchée sur les lieux pour éclaircir le mystère. L'enquête entraîne le commissaire Gereon Rath à la rencontre d'une ancienne connaissance, également producteur de cinéma, qui lui demande d'enquêter sur la disparition de son actrice fétiche. Dans le Berlin de 1930, Rath va devoir démêler les fils de deux intrigues cinématographiquement parlantes.
Difficile de faire un pitch rapide et cohérent de ce pavé de près de 670 pages sans vous dévoiler trop d'éléments de l'intrigue, la quatrième de couverture de ce polar le fait suffisamment bien pour moi ! En revanche, je peux dès à présent vous dire que La mort muette est le deuxième roman traduit en français de Volker Kutscher, après Le poisson mouillé.
Ce premier titre était dans ma LAL depuis sa publication l'an dernier, et j'attendais sa sortie en poche (qui vient d'ailleurs d'avoir lieu) pour me le procurer (ce que je n'ai toujours pas fait, malgré ma razzia de 16 titres en 2 jours...). Entre temps, Babelio a organisé une nouvelle édition de Masse Critique, et je me suis donc retrouvée en possession de ce pavé que j'avais envie de lire tant pour son intrigue que pour la période historique dans laquelle Volker Kutscher situe son intrigue et son personnage. Cependant, si Gereon Rath n'est pas sans rappeler Bernard Gunther, le héros de Philip Kerr, on peut regretter que Volker Kutscher, bien qu'Allemand, passe très rapidement sur le contexte politico-historique de l'époque dans laquelle il situe son intrigue : la crise est légèrement évoquée par le biais du chômage, on perçoit la montée du nazisme, mais de manière très épisodique, et s'il n'y avait ce contexte d'évolution technologique du cinéma, on pourrait presque croire que cette histoire se passe de nos jours !
Côté intrigue, qui n'a pas lu Le poisson mouillé se sentira peut-être un peu égaré par moment, puisque diverses allusions peuvent être faites au passé de Rath, à son arrivée à Berlin l'année précédente ou encore aux membres de sa famille. Ceci dit, cela ne m'a pas empêché de comprendre le reste de l'intrigue, mon cerveau étant suffisamment imaginatif pour combler à sa façon les blancs du passé de Rath ! En même temps, il faut l'avouer, pas besoin d'avoir fait l'ENA pour comprendre ce roman policier... J'avoue clairement que je regrette d'avoir découvert le fin mot de l'histoire à la moitié du livre, bien qu'il s'agisse visiblement d'un parti pris de l'auteur : à moins d'être totalement stupide, je pense que tout le monde peut arriver à la même conclusion que moi en ayant lu les 300 premières pages avec suffisamment d'attention !
La mort muette restera donc pour moi un roman policier qui se lit facilement, qui saura contenter les néophytes du genre, mais ne sera sans doute pas un coup de coeur pour les amateurs d'intrigues qui aiment se faire surprendre et découvrir dans les toutes dernières pages le meurtrier, quitte à ce que les hypothèses élaborées au fil des pages se révèlent toutes plus farfelues les unes que les autres ! Dommage, car en même temps, l'envie d'aller voir du côté du Poisson mouillé me chatouille encore, cette fois pour mieux connaître ce Gereon Rath, mais seulement à condition que Kustcher me laisse aller au bout de l'enquête sans me dévoiler le coupable au milieu de ma lecture ! Et ça, je crains que ce ne soit pas gagné...
Une petite immersion au coeur des pages ?
"Rath repensa à son père et à sa devise préférés : le savoir, c'est le pouvoir. Il enviait ceux pour qui la vie se résumait à ce genre d'équations simplistes, cela permettait de mettre de l'ordre sur terre. Pour sa part, il en était incapable. Et il n'avait aucune envie de faire partie de cette catégorie de personnes. Il avait peur que cela l'empêche de voir la réalitée qu'elle était. Et c'était ce en quoi consistait son travail : étaler au grand jour ce qui s'était réellement passé, peu important à quel point cela pouvait être compliqué, chaotique et illogique, peu importait à quel point cela était la plupart du temps compliqué, chaotique et illogique." (p. 152)
"Gustav Stresemann avait été pour l'Allemagne un père à la fois sévère et attentionné et Rath ne voyait personne qui soit susceptible de prendre la place de cet homme politique fort qui aimait réellement son pays et ne se contentait pas de répandre ce pathos vide de sens auquel les nationalistes avaient recours pour dissimule leur sentiment d'infériorité ou bien cette arrogance que les nazis de Goebbels confondait avec patriotisme." (p. 171)
Roman lu dans le cadre de l'opération Masse Critique de printemps de Babelio.
Texte © Miss Alfie 2011.
Edition lue : La mort muette, Volker Kutscher, traduit de l'allemand par Magali Girault, éditions Seuil, collection Policier, 2011, 666 pages.