Kop - Dominique Manotti
Une jeune femme et un flic sont abattus dans une fusillade à Levallois. Qui était cette jeune femme ? Que faisait-elle avec ce flic ? Le commissaire Daquin va chercher à comprendre qui a tué l'un de ses hommes et pourquoi. Rapidement, l'enquête va s'orienter vers le club de foot de Lisle-sur-Seine que protège son président, également maire de la ville et entrepreneur.
Dans Le Corps noir, Dominique Manotti nous entraînait au cœur de Paris à la veille de la Libération. Dans Kop, on s'éloigne complètement de cet univers pour se retrouver dans le monde politico-financier du football des années 1990. Autant dire que pour les réfractaires au ballon rond, ce roman policier risque vite d'être rébarbatif, d'autant qu'il faut reconnaître que les clichés sont un peu trop nombreux dans ce polar pourtant bien ficelé.
L'enquête démarre rapidement puisque le livre s'ouvre sur la fusillade et les deux victimes. La narration est hachée, les phrases sont courtes, parfois sans pronom, et offrent un rythme à l'histoire dès les premières pages. Je l'avais déjà constaté dans Le corps noir, mais il est clair que Dominique Manotti ne s'encombre pas d'inutile dans ses livres : pas de description qui ne servent à rien, juste des mots qui vont droit au but et traduisent la tension qui règne chez ces flics qui viennent de perdre l'un des leurs.
Ce sont ces flics que l'on va suivre tout au long des quelques jours qui vont suivre la mort de leur collègue, et plus particulièrement le commissaire Daquin, que l'on retrouve a priori dans d'autres romans de l'auteur. Daquin est un personnage atypique dans le monde des flic : érudit, il semble cultivé et soigneux de sa personne, ne commande que du champagne et préfère les corps des hommes à ceux des femmes. Un personnage bien loin des clichés du genre, des ulcéreux divorcés qui noient leur chagrin dans leur fiole de cognac ! On va donc suivre Daquin et la progression de l'enquête au coup par coup, au fil des pistes que déroulent les enquêteurs. Si plusieurs pistes sont vérifiées en même temps, Dominique Manotti nous offre une place privilégiée en nous décrivant alternativement au fil de courts paragraphes qui 'enchainent les évolutions de l'enquête. La narration au présent m'a d'ailleurs semblé renforcer cette sensation d'être au cœur du QG des flics.
Au delà de l'enquête, c'est le monde du football et la corruption qui peut y régner que Manotti décrit, mais d'une manière que j'ai trouvé un peu trop caricaturale : on n'y parle que gros sous, dopage et corruption... Une vision qui alimentera ceux qui considèrent que le foot est un sport inintéressant où l'on paye trop les joueurs mais qui oublieront le plaisir d'être supporter comme le décrit si bien Nick Hornby... Ceci dit, n'oublions pas que ce bouquin est sorti en 1998, à peine 3 ans après la condamnation de Bernard Tapie dans l'affaire OM-VA, affaire de corruption qui n'est pas sans rappeler l'un des épisodes du roman... On ne pourra pas non plus s'empêcher de faire le parallèle entre le président Reynaud et le suscité Bernard Tapie... Et je ne parle pas du joueur argentin dopé à la cocaïne...
En dehors de ces clichés, l'histoire est intéressante, bien menée, même si un peu convenue... Il y a 12 ans, elle devait sans doute être un peu plus dans l'air du temps !
Une petite immersion au milieu des pages ?
"Daquin se lève, saisit le cou de Larribi d'une seule main, les doigts sur la carotide, et le soulève de quelques centimètres, avec la chaise. Menotté, incapable de faire un geste, tétanisé, les yeux agrandis, Larribi sent monter la perte de conscience. Daquin le lâche, il se tasse sur lui-même, reprend son souffle par petits coups, recommence à claquer des dents. Avec le froid, une sensation de vide dans les poumons, et la claire conscience, enfin, d'être complètement coincé." (p.15)
"Toutes les conversations, maintenant, portent sur les péripéties du match."Il y avait pénalty. Si dans ce cas-là il n'y a pas pénalty, c'est qu'il n'y en a jamais... Hernandez, il a un sens inné du but. Mais c'est le foot de rue. Il joue toujours perso..." Entre amateurs éclairés, les clivages sociaux s'estompent et des relations nouvelles s'esquissent." (p.46)
"Reynaud, blanc, sans voix, secoué de tics, cherche à se dégager, Daquin le maintient un instant, puis le lâche en souriant. Danjou prend Reynaud par le bras, l'entraîne vers la porte des tribunes, en lui parlant à voix basse. De façon assez violente, semble-t-il." (p.160)
Texte © Miss Alfie 2010, sauf citations.
Édition lue : Kop, Dominique Manotti, Éditions Rivages, collection Rivages/Noir, 2001, 208 pages.