L'adversaire - Emmanuel Carrère
Au début de l’année 1993, après avoir dissimulé pendant plus de 15 ans sa véritable activité à ses proches, Jean-Claude Romand assassine son épouse et ses enfants à son domicile. Il sort ensuite en ville acheter le journal et passe la soirée chez lui. Le lendemain, il déjeune chez ses parents et les tue à leur tour. Il monte ensuite sur Paris et tente d’assassiner son ancienne maîtresse. Au retour à son domicile, il tente de mettre fin à ses jours en avalant des barbituriques et en mettant le feu chez lui. Sauvé in extremis par les secours, il est jugé et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une peine de sûreté de 22 ans.
En passant dans ma caverne magique à culture, j’ai trouvé des coffrets réunissant un livre et le DVD de l’adaptation cinématographique pour un prix tout à fait honnête. Je me suis donc penché sur cette affaire Romand. Fait divers tragique s’il en est, elle a inspiré à Emmanuel Carrère l’adversaire. Ce n’est pas un roman "inspiré de" puisque tous les personnages ont leur véritable identité, que les faits et dates correspondent à la réalité.
L’auteur cherche à percer le mystère de cet homme qui a menti à sa famille et ses amis pendant 18 ans. Pour cela, il retrace depuis l’enfance le parcours de ce fils unique élevé par un père bûcheron et une mère au foyer dans le Jura profond. Il essaie de trouver des raisons à l’abandon de ses études et tente de percer la psychologie de cet homme qui passait l’essentiel de ses journées sur une aire d’autoroute à lire le journal. Cette recherche a poussé Emmanuel Carrère à écrire à Jean-Claude Romand, à suivre son procès et à rencontrer les personnes qui ont compté dans sa vie.
Malgré tout, j’ai trouvé l’analyse assez superficielle. Disons que cela relève plus du reportage journalistique que d’une étude psychologique poussée. Certes, parfois, l’auteur se permet d’échafauder quelques hypothèses mais cela ne va pas bien loin. On reste souvent dans le descriptif basique et chronologique de l’existence mis en parallèle avec le déroulement du procès. Seule l’épilogue, une fois le verdict assené, rentre un peu plus dans le détail. Il raconte comment Romand a rencontré une visiteuse de prison et leur relation très mystique. Carrère se rend alors compte qu’il est devenu trop proche de l’assassin et en profite pour s’éloigner de ce personnage que les membres du groupe catholique qu’il a rejoint considèrent comme absolument gentil.
En tout état de cause, l’adversaire est un excellent résumé de la vie de Jean-Claude Romand pour qui cherche à connaître l’affaire et ce qui l’entoure. Au-delà, on reste sur sa faim pour n’avoir pu rentrer suffisamment dans l’esprit de cet homme. Au demeurant, sans doute est-il trop mystérieux pour qu’on puisse déceler le fonctionnement psychique de ce mythomane que ses mensonges auront poussé à commettre l’irréparable.
Texte © Guigzz 2009.
Images L'Adversaire, Éditions Folio Cinéma (2009)