Là où les tigres sont chez eux - Jean-Marie Blas de Roblès
Comment présenter en quelques lignes un roman qui fait près de 800 pages et qui raconte autant d'histoires en une seule ? Peut-être tout simplement grâce à leur dénominateur commun, le manuscrit écrit par l'un de ses élèves et retraçant la biographie d'un jésuite du 17e siècle, Athanase Kircher, inventeur de la lanterne magique, de l'égyptologie et de multiples autres appareils et concepts. Un manuscrit qu'étudie Eléazard von Wogau, correspondant de presse en instance de divorce, perdu dans son village brésilien, tandis que son ex-femme s'embarque pour une expédition archéologique dans la jungle brésilienne et que leur fille tente de se trouver et de se comprendre...
Les 800 pages de Là où les tigres sont chez eux sont un émerveillement de tous les instants... Huit-cent pages... Voilà bien longtemps que je n'en avais pas lu autant d'un coup, mais quelle lecture ! Elaine, l'ex-épouse d'Eléazard, part dans la jungle, mais c'est le livre en lui même que nous propose Jean-Marie Blas de Roblès qui est une jungle, une jungle foisonnante d'idées, de concepts, de découvertes, de nouveautés, de relations...
Chaque chapitre commence par un extrait de la fameuse biographie de Kircher sur laquelle Eléazard travaille. Elle est clairement le point central de toutes les histoires que l'on découvre en parallèle dans ce roman puisque chaque chapitre est découpé ensuite en mini-chapitresmini-chapitres où l'on retrouve Nelson, Elaine, Eléazard, Moema, le gouverneur, le tout alternativement. Cette construction entraîne rapidement l'envie de poursuivre la lecture afin de découvrir ce qu'il arrive aux uns et aux autres, que l'on soit au 17e siècle ou de nos jours...
Il est souvent reproché à certains auteurs un manque de consistance dans la psychologie de leurs personnages, dans le relief qu'ils leur donnent, ou pas. Ici, cette critique ne peut s'appliquer car Jean-Marie Blas de Roblès semble prendre le temps de nous présenter chacun des protagonistes, nous laissant cependant le plaisir de découvrir au fur et à mesure les liens qui se tissent entre des individus a priori sans relations.
L'un des défis magnifiquement rempli de ce livre est de mêler l'histoire de personnage de fiction à celle d'un jésuite parfois méconnu mais ayant cependant tenté de faire avancer les sciences à son époque, même si certaines de ses découvertes, comme la traduction des hiéroglyphes, s'avérèrent erronées par la suite. En effet, Athanase Kircher a bel et bien existé, et tous les éléments présentés par Jean-Marie Blas de Roblès sont certainement le fruit d'un travail long et minutieux... Ceci dit, lorsque l'on sait que l'auteur a mis une dizaine d'années pour en accoucher, rien d'extraordinaire à découvrir un roman fortement documenté, et ce pour notre plus grand plaisir !
A noter toutefois que ce roman ne se lit pas si facilement que ça... Il m'aura fallu deux semaines de congés pour l'apprécier à sa juste valeur, prenant le temps de "digérer" certains passages aux réflexions philosophiques parfois ardues, oscillant entre le désir d'en savoir plus sur Kircher au départ, puis sur les personnages contemporains à la fin...
"Ces labyrinthes concentriques et leur Minotaure plus ou moins reconnaissables", m'avait dédicacé l'auteur lors du Salon du livre de Paris... Il y a de ça, une grande histoire dont on déroule le fil au fur et à mesure que l'on s'enfonce dans le labyrinthe de la narration.
A lire aussi : Les avis d'Amanda Meyre qui en garde "un souvenir à la fois agréable et amer", de Rousseau pour qui "ce livre est un miracle baroque", de Keisha qui parle d'une "belle lecture avec ce roman fourmillant d'histoire qui se répondent", d'Essel qui évoque un "roman incontournable", de Pascal pour qui il s'agit d'un "kaléidoscope qui nous mène de surprises en surprises au fil des pages" ou encore d'Emeraude qui qualifie cette lecture de "fastidieuse mais excellente".
A découvrir aussi : La page WikipédiaWikipédia consacrée à Athanase Kircher, et l'index iconographique disponible sur le site de Jean-Marie Blas de Roblès et permettant d'aller plus loin dans la connaissance du jésuite.
Prix obtenus : Prix du roman Fnac 2008, Prix Jean Giono - Prix du jury 2008, Prix Médicis 2008.
Texte © Miss Alfie 2009.
Image Là où les tigres sont chez eux, Jean-Marie Blas de Roblès, Éditions Zulma (2008).