Le Secret Hemingway - Brigitte Kernel

Gloria Hemingway est en prison. Ivresse sur la voie publique et exhibition. Depuis cette cellule dans laquelle elle attend la caution qui lui permettra de sortir, elle se remémore sa vie, et son père si célèbre.

Hemingway, je n'ai jamais lu. Oui, ça fait encore partie de ces auteurs auxquels je n'ose pas me frotter, de peur de la déception peut-être. Alors je les découvre par des biais détournés, comme des romans qui parlent d'eux. C'est un peu ce qui m'a tenté dans ce roman de Brigitte Kernel, le premier que je lis d'elle, mais dont j'ai déjà depuis un temps certain dans ma pile de livres à lire son roman sur Agatha Christie.

Côté écriture, je dois reconnaître une certaine facilité à Brigitte Kernel, une plume fluide et souple qui nous embarque. Les mots filent sous nos yeux, naturels, sans à-coups. Mais cette lecture, aussi intéressante soit-elle, a fait naître en moi des réflexions quant au rôle de l'écrivain et du romancier dans ce genre d'ouvrages qui s'inspire énormément de la vie réelle des gens.

Où s'arrête le biographe quand il prend la voix de celui ou celle dont il raconte l'histoire pour dire "je" ? Où démarre le romancier quand il s'agit de partager des émotions, des sentiments, des pensées intimes ?

Dans ce roman, Brigitte Kernel donne corps à une femme née dans un corps d'homme, à une femme que son père a toujours eu du mal à aimer à cause de cette étrangeté qu'il voyait, à une femme que sa mère a toujours repoussée car en dehors du cadre. Elle raconte la difficulté de voir un corps qui semble étranger, les interrogations que peuvent générer la décision de recourir à la chirurgie, le regard de sa troisième épouse, Ida, que Gloria épousa alors qu'elle était encore un homme...

"Quand elle accepte, se donne à moi, je suis une femme, elle a donc un corps lesbien contre elle et elle n'aime pas ça, mais comme je suis aussi l'homme qu'elle a épousé autrefois, elle sent tout de même Grégory sur sa peau, nos baisers, pour elle, sont ceux de son mari, tandis que pour mois il sont ceux de Gloria." (p. 177)

Ce roman évoquerait n'importe quel personnage de fiction, je pense qu'il ne me questionnerait pas autant. Mais là, il évoque des sujets très intimes, très profonds, et je me suis à de nombreuses reprises demandées si Gloria, la vraie Gloria Hemingway, la fille d'Ernest, aurait réellement pensé ainsi, ou voulu qu'on parle d'elle ainsi... Et comme il n'y a aucune référence bibliographique, et très peu d'éléments apportés par l'auteur quant à son travail de recherche documentaire, je reste sur un sentiment mitigé...

Oui, Le Secret Hemingway est un très beau livre qui évoque les liens difficile entre un enfant et son père et les questions d'identité et de genre, mais non, je ne suis pas sûre qu'il fallait l'écrire ainsi, du moins peut-être pas comme un roman.

Texte © Miss Alfie 2020.
Couverture : Le Secret Hemingway, Brigitte Kernel, éditions Flammarion, 2020, 320 pages.

Comments

[Lydia B]

Il est dans ma Pal. J'aime beaucoup Hemingway que j'ai découvert au collège, en 3ème. On verra si j'aime ce livre ou si je suis mitigée comme toi.

Bonne semaine !