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Miss Alfie, croqueuse de livres... & Compagnie !
23 avril 2020

Le tableau d'en face

Aujourd'hui, je vous propose un texte sans illustration... A vous de retrouver à quel(s) tableau(x) j'ai donné vie...

Je le sais, je le sens.
Aujourd’hui encore, vous allez m’ignorer. Vous ne vous arrêterez devant moi que parce qu’une guide munie d’un petit drapeau qu’elle agitera en l’air débitera son petit discours habituel sur ma taille, ma conception, ma symbolique.
Je ne vous intéresse pas. J’ai l’habitude.

Je ne compte plus les années passées face à cette voisine de salle qui attire tous les regards.
Elle, si petite, si quelconque.
Un maître l’aurait peinte. Et alors ? Moi aussi je suis née sous les pinceaux d’un maître !

Ne suis-je pas plus majestueux qu’elle avec mes dimensions pour réfectoire ?
Ne suis-je pas plus vivant qu’elle avec mes 130 personnages ?
Ne suis-je pas plus attirant qu’elle avec mes couleurs chatoyantes ?

Vous n’en avez que pour elle, pour son regard sans expression, pour sa moue dans laquelle vous croyez lire un sourire.
Elle me nargue. Tous les jours.
Je la vois qui guette la file dense de ses admirateurs. Je sais qu’elle aimerait un peu d’intimité, parfois. Oui, nous nous parlons entre tableaux, le soir, quand le silence envahit les longs couloirs du musée...


Mais en attendant, son orgueil se porte bien quand elle jette un œil vers moi.
Quand elle a la surprise de découvrir quelques visiteurs qui ne me lâchent pas des yeux, je sens poindre en elle une touche de jalousie. Ses doigts se crispent, les jointures de ses phalanges deviennent un peu plus pâles. Il faut avoir l’œil pour le remarquer. Et ses courtisans sont bien plus occupés à réaliser des photos d’eux avec elle qu’à l’étudier minutieusement.

Ce n’est pas mon cas. Je sais que si quelqu’un s’arrête spontanément devant moi, je risque de passer un sale quart d’heure.
Je me plains, je me plains… Mais ce désintérêt m’arrange.
J’ai mon côté pudique. Je suis toujours un peu mal à l’aise quand on m’examine en détail.
Tenez, cette petite dame, avec son téléphone dans la main. Je l’ai déjà vu, une bonne demi-douzaine de fois. Je l’entends me dire combien je l’impressionne, combien elle aime venir me rendre visite quand elle vient. Cette fois encore, elle regrette de ne pas avoir pris l’audio-guide. Elle promet : la prochaine fois, elle le fera.

Mais j’ai trop de secrets pour vous, trop de mystères que seul mon maître pourrait dévoiler.
Continuez à m’ignorer, j’aime finalement ce dédain. Je resterai le tableau d’en face, celui qu’on oublie, l’idole que quelques uns seulement.

Texte © Miss Alfie 2020.

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Commentaires
L
Alors, je dirai que tu as mentionné "Les Noces de Cana" de Veronese et "La Joconde" de Léonard de Vinci.<br /> <br /> Bises.
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