Captive

Juillet 1843. Grace Marks va être accusée du meurtre de son patron, Thomas Kinnear, et de sa gouvernante, Nancy Montgomery. Pour ce double crime, la jeune femme de seize ans aurait été la complice de l'homme à tout faire de la maisonnée, James McDermott. Condamnée à mort, sa peine est commuée en détention à perpétuité. Bien des années plus tard, elle raconte sa version des faits à un jeune médecin, Simon Jordan.

Tout comme Les sœurs de Fall River, Captive est un roman inspiré par un fait divers tragique sur lequel l'ombre du doute plane. Cette fois, l'autrice est Margaret Atwood, dont on a déjà parlé sur ce blog notamment pour sa brillante et effrayante Servante écarlate, et l'intrigue nous emmène au Canada sur les traces d'une servante emprisonnée suite à un double meurtre.

Pour relater cette histoire, Margaret Atwood choisit d'alterner les points de vue de Grace Marks, la servante emprisonnée qui nous raconte son histoire et sa vision des choses avec l'utilisation du « je », et celui de Simon Jordan, jeune médecin qui s'intéresse à la psychiatrie et va tenter de faire parler Grace de son passé pour en éclairer les points d'ombre, en utilisant cette fois la narration à la troisième personne. Cette alternance de mode narratif a pour intérêt principal de situer rapidement le protagoniste auquel on s'intéresse. Grace raconte les choses comme elle les pense, sans dialogue, avec des phrases parfois longues, qui sont le reflet de sa pensée parfois peu ordonnée, quand Simon Jordan est beaucoup plus prosaïque, distant, et rationnel.

Pourtant, la rationalité et le cartésianisme sont mis à mal par moment dans ce roman qui interroge également les origines de la psychiatrie et tous les mythes et représentations qu'on pouvait encore se faire au 19e siècle sur les troubles mentaux et psychiques. Une amie avec qui je discutais de cette lecture me disait avoir été particulièrement intéressée par l'aspect domestique de ce roman (on entre dans le quotidien des domestiques à l'époque, dans toutes les tâches qui leur sont confiées, etc.). Pour ma part, si cet aspect est réel et apporte un regard sur l'époque qui est racontée, j'avoue avoir particulièrement apprécié toute la réflexion sur l'amnésie et la construction des souvenirs qui sous-tend cette histoire.

Avec ce roman inspiré d'une histoire réelle, Margaret Atwood s'engouffre dans les blancs de l'Histoire, dans les vides de l'enquête et construit son hypothèse quant au double meurtre à l'origine de la condamnation de Grace Marks. Un roman passionnant à plusieurs titres, dont j'ai bien envie de voir l'adaptation en série désormais !

Texte © Miss Alfie 2018.
Couverture : Captive, Margaret Atwood, traduit de l'anglais (Canada) par Michèle Albaret-Maatsch, éditions 10/18, 2018, 624 pages (édition spéciale).