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Miss Alfie, croqueuse de livres... & Compagnie !
11 décembre 2018

Nous étions les Mulvaney - Joyce Carol Oates

Nous etions les mulvaney

Mont-Ephraim est une petite ville des Etat-Unis dans laquelle vit la famille Mulvaney. Le père est entrepreneur, la mère s'amuse à jouer les antiquaires, et les quatre enfants fréquentent le lycée local où ils se rendent tous les jours depuis la ferme. La famille coule des jours heureux, jusqu'à un bal de Saint Valentin auquel va participer Marianne, la fille de la famille.

Ce n'est pas la peine de chercher : oui, il s'agit du premier livre que je lis de Joyce Carol Oates. Certes, vous trouverez un autre ouvrage de cette autrice sur le blog, mais avec un peu d'attention vous vous rendrez vite compte que l'article n'est pas de moi mais d'un ami que nous avons accueilli à quelques reprises pour parler de ses lectures. Ce préambule terminé, parlons donc de Nous étions les Mulvaney...

Il ne faut pas se voiler la face : Joyce Carol Oates est une autrice brillante. Pourtant, je l'ai déjà dit, la littérature américaine contemporaine, ce n'est pas toujours pas tasse de thé, je ne m'y retrouve pas forcément. Mais ici, j'ai été face à un ouvrage magistral, tant dans sa construction que dans son écriture.

Si l'histoire met du temps à se mettre en place, c'est que l'autrice commence par nous raconter par la voix de Judd, le plus jeune des enfants Mulvaney, toute la famille. Michaël, le père, Corine, la mère, Mike, le fils aîné joueur de football américain à succès dans son école, Patrick, l'intellectuel de la famille, Marianne, la fille, et pour finir Judd lui-même. Pour cela, l'autrice utilise différentes formes narratives, à la fois le « je » de Judd, parfois naïf puisqu'il était enfant à l'époque où la vie de la famille a basculé, et à la fois un narrateur extérieur. Finalement, on comprend au fil des pages que nous tenons entre les mains l'écrit même de Judd, qui a parfois eu besoin de se décentrer de lui pour raconter les autres de la famille.

Et peu à peu, Joyce Carol Oates en arrive à nous parler de l'événement, de ce fait qui a eu lieu, que personne ne veut nommer, qui sera un tabou dans la famille : le viol de Marianne, à une époque (les années 1970) où la victime est la coupable. Ne pas porter plainte, car finalement, elle n'avait pas à boire, elle n'avait pas à se comporter ainsi avec ce garder. Ne pas en parler, fuir, laver la honte qui déshonore sa famille. Marianne devient la paria, la famille devient la famille de celle qui a été trop légère, pas la famille de la femme violée.

Autant dire que pages après pages, c'est un roman qui fait écho aux sujets actuels, à la reconnaissance de la parole des victimes, à leur sortie de l'ombre. On s'énerve au fil des pages, on a envie de dire à ce père qui refuse l'évidence que ce n'est pas en reniant sa fille, en la considérant comme fautive, comme à l'origine de ce qui s'est passé, qu'il l'aidera, ni s'aidera lui-même. On a envie de crier à la face de cette mère qui couvre son fils qu'elle ouvre les yeux, qu'elle arrête de lui passer tout et n'importe quoi, qu'elle lui rappelle la notion de respect...

Bref, au fil des pages, on plonge avec Judd dans l'enfer d'une famille qui s'étiole, qui se délite, qui finit par exploser devant tant de détresse et de douleur, devant l'incapacité à faire face à la réalité. Un bouquin d'une grande puissance. Magistral.

« Car quels mots peuvent résumer une vie entière, un bonheur aussi brouillon et foisonnant se terminant par une souffrance aussi profonde et prolongée. » (p. 666)

Texte © Miss Alfie 2018.
Couverture : Nous étions les Mulvaney, Joyce Carol Oates, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Claude Seban, éditions Livre de poche, 2011, 704 pages.

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Commentaires
M
Ce roman est mon préféré de cette auteur que j'adore.
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L
Oui, magistral !!!
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