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Miss Alfie, croqueuse de livres... & Compagnie !
27 septembre 2017

La serpe - Philippe Jaenada

La serpe

Un soir d'octobre 1941, trois des quatre habitants du château d'Escoire, dans le Périgord, sont sauvagement tués à coups de serpe. Le suspect ? Le survivant, fils et neveu de deux des victimes, et seul héritier du domaine et de la fortune familiale. Henri Girard sera finalement acquitté à l'issu d'une délibération record, mais cette affaire marqua toute la vie de celui qui publia bien des années plus tard le roman Le salaire de la peur sous le pseudonyme de Georges Arnaud.

Après Bruno Sulak et Pauline Dubuisson, Philippe Jaenada récidive et endosse à nouveau le costume du détective chargé de proposer à son lecteur un portrait un peu différent d'un homme ou d'une femme ayant eu à faire à la justice. Il part cette fois sur les traces d'un meurtre toujours irrésolu.

Pour qui n'a jamais lu Philippe Jaenada, je ne suis pas sûre qu'il faille commencer par La serpe pour découvrir notamment ce travail qu'il a entamé avec Sulak sur des personnages connus des services de police et de justice. Je n'ose pas écrire "sur des hommes et femmes condamnés" car cette fois, point de condamnation pour Henri Girard, mais plutôt une erreur judiciaire... Bref, en tout cas, j'aurai plutôt tendance à vous conseiller de vous atteler d'abord à La petite femelle. Et si ça vous plaît, vous revenez sur La serpe.

Pourquoi donc, me direz-vous ? Tout d'abord, il faut reconnaître que pendant la première moitié du roman, j'ai eu tendance à me demander comme Philippe Jaenada allait bien pouvoir faire plus de 600 pages sur cette affaire... Cette première moitié est l'occasion de brosser le portrait d'Henri Girard et de sa famille, essentiellement à partir de ce que la presse en a relayé, à partir de l'image partagée par l'opinion publique. Jaenada nous présente l'homme, ses épouses, ses relations familiales a priori compliquées, raconte son aventure sud-américaine puis son retour en France et sa carrière d'écrivain, et bien évidemment revient sur la nuit du meurtre et sur le procès. Ceci raconté, quid de la suite ? Et bien la suite, c'est du pur Jaenada, c'est lui mis en scène à Perigueux, sur les traces des Girard, à tenter d'accéder au château, et perdu dans les archives départementales à la recherche du véritable Henri Girard. Peu à peu, comme il l'a fait avec Pauline Dubuisson, Philippe Jaenada taille en pièces l'image que la presse de l'époque a voulu créer, raconte un homme proche de son père et de sa tante, dont la famille est convaincue de l'innocence. Lettre après lettre, déposition après déposition, il épluche, confronte, constate, commente et pointe les incohérences et les failles de l'enquête. Et alors là, plus moyen de lâcher le bouquin pendant sa seconde moitié : on n'attend qu'une chose, que Jaenada fasse part de ses hypothèses et confonde le meurtrier véritable !

Quand je dis qu'il vaut mieux avoir lu La petite femelle avant de s'intéresser à La serpe, c'est également car l'auteur en profite pour nous faire part des suites de son précédent roman, nous raconter les rencontres que ce livre a provoqué, les témoignages qu'il a reçu... Et puis aussi étrange que cela puisse paraître, on se rend compte que le destin des trois personnages auxquels il s'est intéressés sont liés : ici, c'est la même commune qui relie Henri Girard et Bruno Sulak ; là, c'est le premier avocat que contacta Pauline Dubuisson qui défendit finalement Henri Girard... Sans parler de Henri-Georges Clouzot épinglé par Jaenada pour le portrait qu'il fit de Pauline Dubuisson et pour l'adaptation du roman d'Henri Girard, alias Georges Arnaud... On sent que les personnages auxquels Jaenada s'attache ne le lâchent pas ainsi, et nous non plus d'ailleurs. Ils ont le pouvoir de le hanter, et nous avec, et lire La serpe, c'est comme retrouver un vieil ami qui nous ferait part des dernières nouvelles et trouvailles sur ses travaux en cours, nous donnerait des nouvelles de nos connaissances communes.

A travers cette nouvelle (en)quête, Philippe Jaenada offre une fois de plus un roman dense et passionnant, marqué par une plume unique qui brille par sa maîtrise des mots... et des parenthèses !

Une lecture en partenariat avec les éditions Julliard que je remercie !

Texte © Miss Alfie 2017.
Couverture : La serpe, Philippe Jaenada, éditions Julliard, 2017, 648 pages.

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