TS_COUVPas de pitch pour cette chronique pour la simple et bonne raison que je vais causer de deux livres. Pourquoi deux ? Bouge pas, je t'explique. Le dealer est tenace. Chabouté, Chabouté, Chabouté... Tu devrais lire, c'est bien. Mieux, c'est vaaaachement bien. Sauf qu'il y avait toujours quelque chose d'autre à lire. Jusqu'au jour où l'actualité estivale est un peu plus calme et je suis retourné vers ce rayon pour prendre ces deux ouvrages. Tout seul parce que "c'est le meilleur" dixit la team dealer et Un peu de bois et d'acier parce que le pitch m'avait interpelé à l'époque de sa sortie. Et mine de rien, si les histoires sont radicalement différentes, un point commun unit ces deux ouvrages : on ne s'emmerde pas avec les dialogues.

Commençons dans l'ordre de lecture avec Tout seul. On y raconte l'histoire de cet homme qui vit seul depuis sa naissance sur un phare isolé, seulement ravitaillé de façon hebdomadaire par un bateau de pêche dont le capitaine n'a jamais vu l'habitant du phare. L'histoire raconte plus tard les raisons de cet isolement - et on les découvre bien assez vite. Isolé qu'il est, l'habitant, dont on ne connait que le surnom qui lui est donné à terre, Tout Seul, a pour compagnon un poisson dans un bocal et un dictionnaire. Régulièrement, il lâche le dictionnaire au hasard et découvre un mot et sa définition et il imagine ce à quoi peut bien correspondre ce qu'il lit. On a alors de jolis moments de poésie ou d'humour. Toute cette petite vie est bousculée par le nouveau salarié du pêcheur que cette situation intrigue... Quasi muet, cet album est un merveille de poésie, d'humanité et de tendresse le tout saupoudré de petites touches d'humour. Le dessin est quant à lui très sobre, tout en noir et blanc. Le découpage des planches donne quelques petites originalités, en particulier dans la retranscription de l'imaginaire du héros face au dictionnaire.

UPDBEDA_COUVQuant à Un peu de bois et d'acier, il raconte l'histoire d'un banc public. Rien que ça. Pour le coup, c'est complètement muet. On retrouve des personnages récurrents (le gardien, le SDF, le couple de vieux, etc.) qui viennent, qui s'assoient (ou pas), qui partagent un moment de vie avec ce banc qui recueille tous ces instants de vie. Là encore, Chabouté alterne entre humour, poésie, tendresse et émotion. On se surprend à avoir deviné ce qui allait arriver à tel ou tel personnage et on sourit bêtement devant le dénouement choupinou. S'il y a moins de "fond" que dans Tout seul, cet album est en fait un roman choral raconté du point de vue du banc en tant que narrateur omniscient et neutre.

On note donc pas mal de points communs entre ces deux albums. D'un point de vue technique, l'absence (ou presque) totale de dialogues et un dessin très sobre en strict noir et blanc sont assez évidents à déceler. Sur les scénarios de ces deux ouvrages, on relève de la légèreté (même quand l'évènement est tragique), un peu d'humour, pas mal d'émotion, à chaque fois sur des détails. Mais d'une façon globale, ces deux albums sont vraiment formidables et il y a donc une petite forme de regret de n'y être pas tombé dedans plus tôt.

Texte © Alfie's mec, 2015.
Couvertures : Tout seul et Un peu de bois et d'acier, Chabouté, Éditions Vents d'Ouest, 2008 et 2012.