Un Opéra de Papier - Edgar P. Jacobs
Une autobiographie du père de Blake et Mortimer.
Merci d'avoir lu avec attention ce pitch qui m'a demandé beaucoup de réflexion. Oui, c'est vrai, quoi, un mec qui raconte sa vie, c'est super difficile à pitcher. Parce que je me suis dit que si j'écrivais "C'est une autobiographie.", ça risquait de faire un peu juste. Même si, attention, je ne doute pas que chacun d'entre vous sache ce qu'est une autobiographie, je me suis dit que c'était vraiment trop court. Du coup, je me suis dit qu'il fallait en remettre un petit peu. Mais si je remettais le nom de l'auteur dans le pitch, ça faisait répétition avec le titre. Du coup, tac, je paraphrase. Et je sais que votre culture générale vous permet d'associer Edgar P. Jacobs à "papa de Blake et Mortimer".
Ce qui est embêtant avec les autobiographies, c'est que c'est forcément subjectif. L'auteur peut se permettre d'éluder certains passages, d'embellir certains autres, bref, de faire un peu ce qu'il veut. Du coup, par exemple, la première partie consacrée à l'enfance n'est basée fondée que sur les souvenirs du principal concerné et se retrouve du coup assez légère, sans grand intérêt. Veuillez noter que le prochain que je vois à utiliser l'expression "baser sur" sera émasculé en place publique, ça ne se dit pas, c'est un gallicisme de l'anglais "based on". Remerciez mon professeur de français de première qui m'a appris ça. Ne vous gaussez pas, j'aimais beaucoup ce garçon qui nous expliquait que le romantisme, ce n'était pas les petits lapins qui galopent dans la prairie et les fleurs dans les yeux ou qui arrivait à nous intéresser (un peu) à Barbey d'Aurevilly alors que Dieu sait que c'est passablement chiant, comme poésie. Vous n'imaginez même pas comment j'ai prié pour ne pas tomber là-dessus au bac français. Bref, petit high five à mon prof de français de première dont je ne donnerai pas le nom des fois que le quidam qui cherche "Pascal Vey" sur Google arrive sur cette page arrive sur cette page et se demande ce que fout le nom d'un prof de français dans une chronique sur une autobiographie de Jacobs.
L'intérêt de cette autobiographie porte sur deux aspects. Oui, à un moment dans cette chronique qui commence vraiment à devenir n'importe quoi, je m'intéresse au livre que j'ai lu, qui m'a intéressé et que je DOIS chroniquer parce que sinon, ça ferait mauvais genre et que la patronne serait foutue de me punir. Sévèrement. Premier aspect, la première carrière de Jacobs en tant que chanteur lyrique. Il s'agit d'un aspect relativement méconnu de l'auteur et son histoire permet de voir qu'un petit détail peut faire qu'un enfant d'intéresse à quelque chose. De fait, Jacobs n'est (re)venu au dessin que du fait de la crise de 1929 qui s'est exportée en Europe. Il a commencé par faire des catalogues de grands magasins avant de se voir offrir un contrat dans des revues de BD. Jacobs raconte également comment est né le Rayon Û, sa première oeuvre complète.
Dans une seconde partie, Jacobs détaille les inspirations et le contexte de chaque histoire de Blake et Mortimer. Le second intérêt de cette autobiographie (puisqu'il y en avait deux, essayez de suivre, bon sang) réside dans tous les crayonnés, brouillons, dessins de catalogues et autres oeuvres originelles qui émaillent le récit de Jacobs. Ah oui, si cette chronique est publiée un mercredi, jour de BD, c'est parce que l'auteur est auteur de BD, pas parce qu'il ne s'agit que d'une BD. Ce très intéressant Opéra permet donc d'en apprendre plus sur la vie d'Edgar P. Jacobs et de voir que l'homme avait des vrais talents de dessinateur dès le plus jeune âge. On sera néanmoins surpris par la conclusion de cette autobiographie alors que Jacobs nous raconte être relativement déçu de sa vie qu'il voyait destinée plus au chant lyrique qu'au dessin. Alors que bon, que serait la bande dessinée sans Blake et Mortimer ?
Texte © Alfie's mec, 2014.
Couverture : Un Opéra de Papier, Edgar P. Jacobs, Éditions Gallimard, 1981 (réédition 2013).