Bastille tango - Jean-François Vilar

1984-1985. Paris, quartier Bastille. Alors qu'on démolit des bâtiments pour construire un nouvel opéra, un homme colle des affiches datant de la dictature argentine. Comble de l'Histoire, s'ouvre à Buenos Aires le procès de 9 militaires accusés de disparitions et de torture. Au milieu d'une petite communauté soudée par le tango, le photographe Victor Blainville tente de comprendre.

Bien que publié dans la collection Babel noir, mettons tout de suite les choses au point : Bastille tango n'est ni un roman policier ni un thriller, même si des personnages disparaitront et qu'un filc et un journaliste se mêleront à l'histoire. Bastille tango est plutôt un roman noir à tendance historique. On y croise une galerie de personnages atypiques, de Victor le photographe accro à la sulfureuse Jessica, à Ida la clocharde qui vient se doucher dans l'arrière-boutique de Maleo, le vendeur de lingerie et collectionneur de mannequins, ou encore Rita, la patronne de La Bocca persuadée que le tango vient du Japon... Tous ces personnages sont attachants, parfois étranges, et trimballent dans leur besace bien des traumatismes, des envie de vengeance ou des peurs irrépressibles.

Bastille tango, ce sont deux univers qui se confronte : d'un côté, on embarque dans l'histoire de la fin d'un quartier, avec la destruction de son cinéma et de ses cafés parfois emblématiques, le tout pour laisser place à un nouvel opéra que le quartier regarde arriver avec un certain scepticisme. On découvre aussi la vie du dit quartier, au détour de ses rues, de ses porches et de ses multiples et secrètes cours intérieures ou de ses souterrains sous la colonne de Juillet.

De l'autre côté, comme Luz ou le temps sauvage ou Mapuche, Bastille tango nous fait découvrir les coulisses des heures sombres de l'Histoire argentine. Il convient néanmoins de noter qu'à la différence de ces deux autres titres, Bastille tango a été écrit très peu de temps après les événements auxquels il fait référence puisque sa première publication date de 1986. Peut-être d'ailleurs est-ce parce que le contexte était alors dans beaucoup d'esprits que l'auteur ne fait aucun rappel sur les faits, si ce n'est dans la seconde moitié du roman, lorsque Jessica expliquera à Victor son histoire... Ceci dit, une petite recherche sur l'outil magique qui vous permet de me visiter, et vous aurez vite fait de comprendre qu'il y a eu à la fin des années 70 une dictature militaire en argentine avec disparitions et tortures d'opposants au régime.

Avec un univers sombre et parfois dur, mais aussi une énorme humanité entre ces personnages plus ou moins éclopés par la vie, Bastille tango nous offre une vision de Paris en plein mouvement. Une belle découverte pour ce livre acheté au hasard pour son titre et qui nous embarque à la rencontre de personnages attachants..

Texte © Miss Alfie 2014.
Édition présentée : Bastille tango, Jean-François Vilar, Éditions Actes Sud, collection Babel Noir, 2013, 370 pages.

Comments

[Anne Gauthier]

Jean-François Vilar a écrit, entre autres, "c'est toujours les autres qui meurent" et surtout "nous cheminons entourés de fantômes aux fronts troués", mon préféré, c'est tout simplement magnifique... Je crois que j'ai tout lu

[Alex mot a mots]

Une bonne pioche, alors.