L'amour sans le faire - Serge Joncour
Franck décide un jour de retourner chez ses parents. Dix ans qu'il n'y a pas mis les pieds. Depuis, ils ont vieilli, son frère est décédé. Sur place, l'espace laissé vide est rempli par un enfant, Alexandre. Louise, sa mère, arrive elle aussi pour quelques jours. Rien ne va se passer comme prévu. Et pourtant...
Je n'avais jamais eu l'occasion de lire du Joncour. L'amour sans le faire est donc une grande première pour moi, première incitée par de nombreux articles élogieux sur ce roman. Il faut avouer que ce titre est en même temps prometteur : promesse de douceur, de complicité, de réconciliation, promesse accentuée par la couverture de l'édition poche qui m'a fait craquer...
Cette lecture achevée, les dernières pages refermées sur le destin de ces êtres que rien ne prédestinait vraiment à se croiser, surtout pas comme ça, à ce moment-là, je garde dans le coeur une douceur, un apaisement, que Joncour réussit à faire se dégager de son histoire. Il présente deux personnages éclopés, fracassés. Lui a visiblement été grièvement malade, semble physiquement affaibli, et décide qu'il n'est plus temps de maintenir de vaines querelles...
"En remontant à Paris, il s'était juré de ne plus les revoir, de ne plus y foutre les pieds, dans ce trou, tout ce qu'on se dit pour se convaincre qu'on a raison, qu'on est comme neuf, même si on se blesse à penser ça, sans se douter qu'à la longue ça fait un mal fou d'en vouloir aux autres." (p. 130)
Que va-t-il chercher dans la ferme de ses parents ? Il ne semble pas trop le savoir. Juste le besoin de parler avec eux. Mais rien ne va se passer comme prévu, puisque pour la première fois depuis des années, ses parents partent en Thalasso. Et pour les remplacer sur l'exploitation déclinante, Louise, l'ancienne compagne de son frère décédé, la maman du petit Alexandre qui a envahi la chambre d'enfant de Franck et lui piquera bien vite sa caméra.
Louise n'est guère en meilleur état que Franck. Femme seule, elle survit de temps partiels en missions d'intérim, guettant en fin de mois la paye, espérant que l'automate voudra bien lui donner les billets nécessaires à ses maigres besoins. Louise se cherche, Louise se protège, Louise se renferme. Elle ne s'appuie sur personne depuis la mort d'Alexandre, l'autre, celui qu'elle aimait.
"Dans l'amour, il y a bien plus que la personne qu'on aime, il y a cette part de soi-même qu'elle nous renvoie, cette haute idée que l'autre se fait de nous et qui nous porte." (p. 49)
Ces deux êtres m'ont beaucoup touchée. J'ai ressenti beaucoup d'empathie et d'affection, me suis reconnue dans certaines de leurs considérations. On les sent sur le fil bien souvent, on se dit qu'ils pourraient bien basculer. Du côté sombre ou du côté clair, on ne le sait pas trop jusqu'à la fin... Pour ce début d'année 2014, je tiens à vous signaler qu'on tient là du bon, du très bon... Je ne peux que vous le conseiller !
Ce qu'on en dit ailleurs :
- Gwordia : "L'Amour sans le faire est, comme La non-demande en mariage de Brassens, la plus belle des déclarations d'amour qui soit. L'amour de la Terre, l'amour du prochain, l'amour de soi."
- Les lectures de Fransoaz : "Il y a de la délicatesse, de la pudeur et du respect dans ce roman."
- Sur la route de Jostein : "J'ai beaucoup aimé le style de l'auteur, ces très émouvantes confessions des personnages, ce malaise si facilement exprimé dans toutes leurs actions, leurs pensées."
Texte © Miss Alfie 2014.
Édition présentée : L'amour sans le faire, Serge Joncour, Éditions J'ai Lu, 2013, 315 pages.
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