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Miss Alfie, croqueuse de livres... & Compagnie !
30 août 2013

La Curée - Emile Zola

ZOLA-La-cureeAristide Saccard a réussi. Ayant quitté Plassans après le coup d'Etat de 1851, il profite de l'influence de son frère Eugène pour faire fortune sur les ruines de Paris reconstruit par Haussman. Quant à sa jeune épouse, Renée, elle occupe son temps entre bals et mondanités.

Après quelques lectures à peine trop légères, j'ai eu envie de retrouver la plume d'un écrivain récemment redécouvert par votre humble lectrice, ce cher Mimile. Quelques bonnes âmes m'avaient indiqué que La Curée ne devrait pas me décevoir et qu'il s'agissait de l'un des meilleurs romans de la saga des Rougon-Macquart. Lecture achevée, je ne peux que plussoyer cette affirmation tant ce roman est riche et scandaleux, racontant l'argent, l'adultère et l'inceste, qui pour une fois ne sont pas laissés à la fange de la population.

Publié en 1872, La Curée fit scandale, et on peut aisément le comprendre, Zola y mettant en scène une relation incestueuse entre Renée, seconde épouse de Saccard, et Maxime, son fils resté à Plasssans et qui le rejoindra après la mort de la douce Angèle. Les plus connaisseurs saisiront clairement la référence à Phèdre. Pour ma part, j'ai du rechercher dans mes classiques pour la saisir, mais même sans cette référence en écho, j'ai réussi à saisir toute l'ampleur du scandale et des tourments nés de cette situation. Renée, c'est l'un des personnages central de cette intrigue, puisque La Curée s'ouvre et s'achève avec elle. Renée, jeune et belle jeune fille qui va tomber amoureuse de son beau-fils, le si féminin Maxime... Et entretenir avec lui une relation qui la mènera à la limite de la folie... Renée, c'est aussi l'archétype d'une jeune femme qui se veut indépendante, qui lance les modes, et qui se repose grandement sur son mari pour financer tous ses caprices. Et tant pis s'il faut qu'il passe dans son lit, si c'est le prix à payer pour régler les dettes du tailleur...

"Cet hiver fut pour Renée une longue joie. Elle ne souffrait que du besoin d'argent. Maxime lui coûtait très cher ; il la traitait toujours en belle-maman, la laissait payer partout. Mais cette misère cachée était pour elle une volupté de plus." (p. 230)

Avec les frasques de Renée et ses divertissements multiples, on découvre un Paris en totale évolution, en train de prendre le visage qu'on lui connaît aujourd'hui, grâce à l'appui de spéculateurs et d'entrepreneurs avides d'argent et de pouvoir. Paris qui vit au rythme de l'Empereur, de ses bals grandioses, Paris qui se métamorphose et qui laisse la place aux opportunistes, aux hommes qui savent être là où il faut, quand il faut... Des hommes comme Saccard qui n'hésite pas à changer de nom une fois arrivé à la capitale, histoire de trouver une sonorité qui fasse plus bourgeoise. On saisit là l'absence de limites de ces hommes, prêts à tout pour se partager le butin...

"Les fumets légers qui lui arrivaient lui disaient qu'il était sur la bonne piste, que le gibier courait devant lui, que la grande chasse impériale, la chasse aux aventures, aux femmes, aux millions, commençait enfin. Ses narines battaient, son instinct de bête affamée saisissait merveilleusement au passage les moindres indices de la curée chaude dont la ville allait être le théâtre." (p.72)

Si ce roman date de 1872, il reste néanmoins totalement d'actualité en portant un regard acéré sur le capitalisme. On y découvre des hommes dont la fortune n'est plus liée au nom ou à la naissance comme sous l'Ancien Régime, mais qui réussissent et emplissent leurs cassettes à la force de la volonté, et parfois à la force des combines. Saccard est l'archétype du nouveau riche, celui qui mise tout sur la réussite financière et sur l'apparence, qu'importe l'état des finances... Les deux réceptions qui ouvrent et clôturent le roman en sont de vibrants témoignages.

"Il habitait un hôtel de deux millions, il vivait sur le pied d'une dotation de prince, et certains matins il n'avait pas mille francs dans as caisse. ses dépenses ne paraissaient pas diminuer. Il vivait sur la dette, parmi un peuple de créanciers qui engloutissaient au jour le jour les bénéfices scandaleux qu'il réalisait dans certaines affaires. Pendant ce temps, au même moment, des sociétés s'écroulaient sous lui, de nouveaux trous se creusaient plus profonds, par-dessus lesquels il sautait, ne pouvant les combler. Il marchait ainsi sur un terrain miné, dans une crise continuelle, soldant des notes de cinquante mille francs et ne payant pas les gage de son cocher, marchant toujours avec un aplomb de plus en plus royal, vidant avec de rage sur Paris sa caisse vide, d'où le fleuve d'or aux sources légendaires continuait à sortir." (p.196)

Enfin, ce roman, une fois encore, souligne le talent narratif de Zola. On sent par moment une moindre aisance, notamment sur les descriptions des robes de Renée, mais il manie à la perfection la métaphore. J'ai noté plusieurs passages au cours de ma lecture, à commencer par le suivant. Non, vraiment, dire que Zola c'est ringard, c'est complètement absurde tant cet homme décrivait déjà en 1872 une société qui n'a fait qu'empirer depuis lors...

"Saccard s'affamait, sentait ses désirs s'accroître, à voir ce ruissellement d'or qui lui glissait entre les mains. Il lui semblait qu'une mer de pièces de vingt francs s'élargissait autour de lui, de lac devenait océan, emplissait l'immense horizon avec un bruit de vagues étrange, une musique métallique qui lui chatouillait le cœur ; et il s'aventurait, nageur plus hardi chaque jour, plongeant, reparaissant, tantôt sur le dos, tantôt sur le ventre, traversant cette immensité par temps clairs et par les orages, comptant sur ses forces et son adresse pour ne jamais aller au fond." (p. 139)

Ce qu'on en dit ailleurs :

  • Au milieu des livres : "La force de Zola réside indéniablement dans le fait qu'une fois La Curée refermée, il semble difficile d'attendre très longtemps pour savourer Le Ventre..."
  • Des galipettes entre les lignes : "Le tour de force de ce roman, c’est le glissement insensible vers la déroute, qu’elle soit personnelle ou publique."

Une lecture qui s'inscrit dans le challenge "Relisons les Rougon-Macquart" de Lili Galipette, George et Miss Bouquinaix !

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Texte © Miss Alfie 2013.
Édition présentée : La Curée, Emile Zola, Éditions Livre de Poche, 2010, 416 pages.

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Commentaires
G
Un de mes romans préférés de Zola, lu deux fois et toujours avec autant de plaisir !
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C
J'ai dévoré les Rougon-Macquart, sauf l'avant dernier, dans lequel je ne suis pas parvenue à "entrer". Bises.
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A
Etudié à la fac, il m'a fait découvrir l'auteur.
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F
Il est resté mon auteur préféré, mais cela fait tant d'années que je ne l'ai pas relu. Je pense intégrer la lecture de "la terre" dans mon challenge des lacunes.
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L
Au milieu des livres a raison : il faut lire Le ventre de Paris très vite ensuite !!! :)
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