Pour un peu de bonheur - Galandon, A. Dan
Au printemps 1919, Felix Castelan revient de la guerre. La guerre l'a défiguré, il est une gueule cassée. Il appréhende le retour au village, le regard des habitants, de sa femme et de son fils qu'il n'a pas vu grandir. Son retour est toutefois eclipsé par une affaire sordide : quelqu'un dans le village tue les bêtes de ferme et d'élevage. Un inspecteur de Paris, ami du maire et également mutilé de guerre, descend pour enquêter.
J'aime bien les fictions autour de la Première Guerre Mondiale. Assez pradoxalement, c'est souvent la Deuxième Guerre Mondiale qui fascine, qui intéresse, qui trouble, qui inspire les scénaristes. Pour plein de raisons, j'imagine, les camps, le totalitarisme, l'opposition résistance-collaboration, etc. Mais moi, comme je ne fais rien comme tout le monde, je préfère presque la Première. La Grande Guerre. La Der des Ders. Je vais pas vous ressortir tous les surnoms. Pourquoi ? Je ne sais pas. Non, n'insistez pas, je ne sais pas. Après tout, vous adorez le chocolat à la pâte d'amande, je vous demande pas pourquoi, juste c'est bon et pis c'est tout.
Bien, venons-en à cette histoire qui se raconte sur deux volumes. Le dessinateur, c'est Dan. Rappelez-vous, je vous en avais parlé sur la biographie de Thoreau, brillant album. On en revient donc à cette séance de dédicaces. La chance que j'ai, en fait, c'est que j'ai les deux albums dédicacés, le premier étant en outre dédicacé par le scénariste, Laurent Galandon. Quitte à vous raconter cette anecdote parfaitement inutile et navrante, je vais jusqu'au bout. Dan a donc dessiné un personnage de l'histoire, l'inspecteur en l'ocurrence et, afin de permettre au scénariste d'écrire une bricole de façon originale, dessine un phylactère. Alors, pour ceux qui aiment la BD, un phylactère, c'est un phylactère. Pour les autres, c'est une bulle. Sauf que, pas inspiré pour un sou, Galandon s'est contenté d'un joli point d'interrogation pour seul dialogue. Ceci dit, la dédicace permet un échange avec les auteurs. La lecture du tome 2 m'avait fait penser à des inspirations ponctuelles, en particulier sur une scène que je rattachais facilement au film Un long dimanche de fiançailles. Référence réfutée par le dessinateur qui concède toutefois avoir placé un personnage de Tardi parmi les soldats du front. L'oeil avisé le trouvera. Dans cet album, Dan livre un dessin plus simple que dans Thoreau, sans toutefois être simpliste. Le trait est direct, les couleurs franches et bien adaptées aux différents plans ou situations.
Le scénario n'est pas en reste. L'impatient que je suis n'a pas fait attention au monumental indice qui se ne se cache pas sur les couvertures des deux albums. Moi, tac tac, je me jette tout de suite sur l'histoire alors que le curieux regardera deux minutes le second tome en levant un sourcil en se posant une question essentielle. Après, le "truc" est révélé suffisamment rapidement pour que le lecteur averti n'ait pas à grommeler un "ah ben ça, j'avais deviné, hein". Ne me dites pas que ça ne vous arrive jamais de le dire, j'en ai une à la maison qui le fait systématiquement. Du coup, l'astuce, on la voit venir et elle est vite confirmée. Du coup, Galandon peut dénouer son intrigue doucement, avec finesse et élégance, avec un ultime rebondissement qui donne à cette histoire un mélange de happy end et de mystère. L'autre force de cette histoire, c'est d'aborder la Première Guerre Mondiale sans (trop) montrer le front et les combats. En s'attachant à une gueule cassée, le scénariste aborde la reconstruction de soi, le retour après guerre quand tout a changé, y compris soi-même. Au final, Pour un peu de bonheur est un excellent diptyque, parfaitement construit et dessiné qui ravira les amateurs de fiction historique. Sans aucun doute une de mes meilleures lectures de cette année.
Texte © Alfie's mec 2013.
Edition présentée : Pour un peu de bonheur, Laurent Galandon, A. Dan, Editions Bamboo (collection Grand Angle), 2013.
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