Snuff - Chuck Palahniuk
Une actrice porno en mal de notoriété, Cassie Wright, décide de battre un record pour un film afin de rentrer dans la postérité. Elle tourne donc une scène où elle se fait prendre par six cents hommes au cours d'une seule journée en sachant pertinemment qu'elle a toutes les chances d'y succomber. Parmi ces six cents gugusses, les numéros 72, 137 et 600 ont un lien particulier avec la star et ne sont pas là par hasard.
Oui, Maman, je lis des livres très très sexuels où ça parle assez franchement de bite, de seins et de positions pas très très catholiques. Oh, je t'arrête tout de suite, c'est pas un livre érotique où l'intérêt est dans les scènes olé-olé. OK, y'a du sperme mais c'est du décor !! L'enjeu est ailleurs. Ca va, tu m'aimes toujours, hein ? Bien, l'aparté avec ma maman étant fini, je me dois de préciser que j'ai entendu parler de ce livre sur Canal+, quand Augustin Legrand, chroniqueur littéraire du Grand Journal démontait avec délectation Cinquante Nuances de Gray tout en parlant de livres en rapport avec le sexe qui méritaient largement plus d'être médiatisés. Il a parlé de Snuff et le fait qu'il soit édité chez Sonatine, maison de qualité, en plus du pitch qui m'a fait soulevé un sourcil (détail important qui marque que quelque chose capte mon attention), a largement contribué à ce que je me le procure.
Toute l'histoire est vue et racontée au travers des yeux de quatre personnages : les trois hommes mentionnés dans le pitch et Sheila, la régisseuse. Les chapitres sont intitulés du numéro du gugusse ou du prénom de la demoiselle. Jamais on ne pénètre (hu hu) sur le lieu même du tournage, jamais on ne voit l'actrice en train de tourner. Elle est toujours vue par la régisseuse et dans des flash-backs montrant la genèse de ce projet insensé. La subtilité, l'originalité et le point fort de ce romant est aussi que, outre les flash-backs, l'action se déroule en huis-clos dans cette grande salle d'attente où les hommes varient d'artifices pour se maintenir en forme afin d'être présent au moment où on les appellera. Autour d'eux, des tables remplies de saloperies à manger et des écrans qui diffusent les meilleurs fils de Cassie Wright. A noter que le traducteur s'est largement fait plaisir sur les titres de films, j'en ai souvent souri. Malgré tout, l'ensemble crée une ambiance glauque au possible et très bien rendue.
Les personnages sont également bien foutus. On a l'acteur porno qui a souvent tourné avec Cassie qui veut rentrer dans l'histoire du record, le jeune homme venu pour annoncer une vérité à l'actrice et l'homme qui veut se prouver quelque chose en lien avec son passé. Entre eux, la régisseuse sert de liant. Le chapitrage est court, donne du rythme à l'histoire. Malgré tout, un point noir à cette histoire. J'ai trouvé que c'était à peine court et que l'auteur n'allait pas assez loin dans son histoire. Il aurait largement pu faire plus glauque et tordu. De plus, sans aller à dire que la fin est bâclée, je trouve qu'elle va trop vite. Chack Palahniuk prend un malin plaisir à construire ses personnages et son histoire, à créer des pistes, vraies ou fausses, et le bougre le fait avec un talent certain. Du coup, c'est d'autant plus regrettable que la fin passe si vite.
Ceci dit, comme je disais à ma maman plus haut, le but de l'histoire n'est pas tant de savoir si l'actrice va crever après ce pilonnage intensif ou si le gamin est vraiment son fils. Chuck Palahniuk dresse un portrait de personnages que l'industrie du porno a complètement bousillé. Pourquoi Cassie Wright est devenue actrice de porno ? Pourquoi ce projet débile ? Pourquoi ces trois hommes sont-ils là ? Pourquoi la régisseuse accompagne-t-elle le projet ? Tous les personnages ont une histoire derrière le porno et c'est cela que Chuck Palahniuk cherche à décrire. Et derrière tout ça, c'est un pan de la société américaine qu'il décrit, tant urbaine que profondément rurale. De ce côté, c'est réussi même si, même remarque que précédemment, on peut regretter que cette description ne soit pas plus longue, plus approfondie. Il n'empêche que Snuff est un très bon roman, court et rythmé. L'auteur tient son lecteur en haleine de bout en bout en changeant sans cesse de point de vue et de personnage.
Texte © Alfie's mec 2012.
Couverture : Snuff, Chuck Palahniuk, Éditions Sonatine, 2012