DTCVBrás de Oliveira Domingos est journaliste. Il écrit les chroniques nécrologiques pour un journal local brésilien.

Déjà, faut que je vous raconte comment cet ouvrage s'est retrouvé entre mes mains. Il est sorti en avril 2012 et quand je suis passé chez mon dealer dans les jours qui suivaient, il m'a dit "Haaaan, Christophe (c'est moi), je t'aurais bien conseillé Daytripper, c'est super bien, toussa, mais j'en n'ai plus, tout est déjà parti." Bon, j'étais un peu déçu surtout que Didier (c'est le dealer) mettait un certain enthousiasme (voire un enthousiasme certain) à me parler de ce livre. Si, je vous jure, quand il fais plein de gestes en parlant et qu'il parle vite vite vite du livre et qu'il dit qu'il a vachement aimé, j'appelle ça de l'enthousiasme. Bref, début mai, pouf, plus de Daytripper. C'est-y-pas que je me repointe chez le dealer il y a quelques jours (le truc chiant avec la drogue, c'est qu'on va souvent chez le dealer) et que Didier (c'est toujours le dealer, essayez de suivre un peu) n'était pas là. Bon, pas dramatique, y'avait la famille (le dealer exploite sa famille pour son trafic, c'est indécent, je sais mais je ne dénonce pas, c'est pas dans ma nature). Et là, dans la famille Dealer, j'ai eu coup sur coup le fils qui me parle de la réédition de Daytripper en disant que c'est vachement bien et la belle-fille qui en a remis une couche. Donc bon, visiblement, je pouvais pas être déçu. Donc pouf, je pouvais désormais me plonger dans cette histoire, maintenant que j'avais le bouquin entre les mains. Alors bon, OK, pas une première édition mais c'est pas non plus super grave...

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Après cette longue digression d'un intérêt assez limité (surtout si vous connaissez pas le dealer (ce qui est une grave erreur mais passons)), je vous vois déjà venir sur la chronique : "Hey, mais il est bien, ton pitch, dis donc !! Ca donne une bonne idée de l'histoire et du scénario qui a l'air d'être d'une rare complexité !!" Certes non, le pitch est pas tonitruant mais c'est dur de dire autre chose sans raconter l'histoire et sa construction, originale dans la mesure où elle présente dix épisodes de la vie de Brás, sans que la chronologie ne soit respectée. Chaque chapitre se conclut par la mort du héros et la parution de la chronique nécrologique. Sauf que le héros ne meurt pas vraiment, vous vous doutez bien, c'est une parabole (pas le machin sur votre toit, la figure de style). Chaque épisode est une brique dans la construction de la vie du héros et de ce qu'il est, de comment il perçoit la vie, son but, sa façon d'être, etc.. Du coup, chaque mort apparaît comme un élément nécessaire à une renaissance avec un petit quelque chose en plus. Tout y passe : l'amitié, le premier amour, la relation au père, la famille en général, l'amour, la filiation. 

Le dessin est à l'avenant de cette jolie histoire. Le trait ressemble à celui d'un comic (pas étonnant donc qu'il soit publié chez Vertigo / Urban Comics). Les couleurs de Dave Stewart s'adaptent admirablement à l'ambiance, plus chaudes sur des moments joyeux, plus grises et froides sur les autres moments. Ceci dit, l'ouvrage vaut beaucoup plus pour l'histoire et pour là où les auteurs, jumeaux comme leur nom ne l'indique pas, veulent nous emmener. Ils veulent nous faire réfléchir à ce que la vie nous apporte, sur la place que l'on veut occuper sur cette planète, notre rapport aux autres, à la famille ou à nos relations et ce au-delà de la "morale" (si tant est qu'on puisse la qualifier comme telle) qui nous demande de profiter de chaque instant sans chercher à prévoir ou anticiper l'avenir. Même si Daytripper est un ouvrage excellent, je me détache des chroniques dithyrambiques que j'ai pu lire à droite ou à gauche. C'est très bon, c'est poétique par moments, c'est rarement convenu, c'est toujours juste, la construction se démarque par son originalité, la mise en page est très chouette. Mais voilà, je n'ai pas eu le déclic-coup de coeur qui me fait dire que "waow, c'est un chef d'oeuvre !!". Attention, je ne veux pas que vous quittiez cette chronique en vous disant "moué, bon, on verra, le gros monsieur, il a dit que c'était pas terrible, si ça se présente, pourquoi pas...". C'est un excellent ouvrage et j'ai déjà commencé à le recommander à celles et ceux qui cherchent des ouvrages un peu originaux sur la vie et le sens qu'on pourrait lui donner. Parce que la Page Blanche, c'est sympa deux minutes mais c'est quand même violemment creux et ça n'arrive pas à la cheville de Daytripper.

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Texte © Alfie's mec 2012.
Couvertures et planches (cliquer pour agrandir) : Daytripper (au jour le jour), Fabio Moon, Gabriel Ba, Éditions Vertigo / Urban Comics, avril 2012.