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Miss Alfie, croqueuse de livres... & Compagnie !
30 mai 2012

Supreme - Alan Moore

Pour cette "BD du mercredi", nous laissons la place à Clément qui semble se prendre au jeu des chroniques ! Après Purge, voici son regard sur un tout autre style littéraire ! - Miss Alfie

Supreme - L'âge d'or - BD - Mozilla FirefoxJe déteste Superman.
Je ne vois aucunement l'intérêt des historiettes d'un type bodybuildé affligé d'une méchante phobie des cailloux. Vous constatez qu'il n'y a aucunement besoin de ressortir cette vieille histoire de slip porté par-dessus le legging pour discréditer le machin.

Pourtant, il y a potentiellement pire que Superman.
Il y a Supreme.

Récapitulons : Supreme est une décalcomanie ratée de Superman, rassemblant la quasi intégralité des mythes et tares de l'original, mais en plus mauvais. Il a été créé par Rob Liefeld, ce qui, pour la plupart des lecteurs de comics est déjà un gage de débilité profonde (si vous avez lu des comics dans les 90's, ce bon vieux Rob est l'instigateur de la mode des héros bodybuildés de façon anatomiquement impossible, avec des muscles que vous n'auriez jamais imaginé). Rob, donc, ne semblait vraiment pas savoir que faire de son machin (je parle toujours de Supreme, là, hein, faut calmer votre libido), faisant évoluer son personnage dans plusieurs directions philosophiques avant d'en faire un être égoïste et ultra-violent.

Bref, la face sombre d'un Superman.
Ca pourrait être une bonne idée, tant le côté 100% bon samaritain de Superman s'avère gnangnan, mais visiblement ca n'avait pas pris.

Et là, Rob a eu sa seule bonne idée depuis la création de Supreme.
Il a appelé Alan Moore à la rescousse. Lequel a imposé dès le départ, en se bouchant le nez, de tout démolir avant de reconstruire.

Ce Supreme revisité gravit en quelques planches plusieurs échelons dans la hiérarchie des comics.

L'histoire est simple à en crever de rire :
Après un long moment passé dans l'espace, un Supreme amnésique revient sur terre et recherche son passé. Il retrouve petit à petit des bribes de ses affrontements antérieurs avec Darius Dax, le Lex Luthor de Supreme. Avant un dernier affrontement. Blablabla.

La copie entre Supreme et Superman est patente : l'ennemi, donc, le caillou aux pouvoirs magiques, les parents adoptifs, la double vie de Supreme (héros vs employé pataud), même le toutou supreme ou l'avatar de Supergirl...
On plonge à deux pieds dans le pastiche.

Ce qui fait l'originalité de cette épopée en forme de clin d'oeil tient justement aux flash backs permanents dans la quête de Supreme : chaque souvenir, aussi lointain fut-il, se trouve narré et dessiné à la manière de l'époque des évènements.
Je précise : on part donc d'un Supreme post-moderne ultra musclé, pour passer à des flash back des années 30, 40, 50, 60 dessinés à la manière de l'époque. L'aspect des personnages change, le ton naïf des vieux comics est réssuscité, les pages du bouquin elles-mêmes sont jaunies. Alan Moore y fait son hommage permanent à ce qui fait l'histoire des comics.

PlancheA_29302Parce que la qualité de l'ouvrage est là. La maestria de Moore étant qu'il ne nous narre pas ici une histoire que l'on pourrait retrouver dans les dessins, ni même dans les bulles (ce qui en soit est un peu con quand on lit une BD). Il nous raconte autre chose, plus en filigrane, et c'est là toute la magie du titre.

Parce qu'évidemment, si on lit l'histoire au 1er degré, ça n'a que peu d'intérêt, c'est même très largement idiot et naïf. Il est d'ailleurs extrêmement divertissant de voir des critiques de ce comics basées uniquement sur le 1er degré de l'histoire (on en trouve sur le net, je laisse chercher ceux qui liront la BD un jour).

Creusons donc cette histoire que Moore ne raconte pas dans Supreme.
J'ai jusqu'ici volontairement occulté l'introduction de l'histoire. Supreme, amnésique, revient sur terre. Mais se fait chopper avant. Et tombe dans un monde de Supremes. QUE de Supremes (oui, il y a même le Supreme de volaille). On y apprend qu'il n'est pas vraiment amnésique, mais simplement qu'il n'a pas de souvenirs parce qu'il vient dêtre créé. Qu'il est la DERNIERE VERSION de Supreme. Il y rencontre le Supreme des années 40, celui des 50s, un Mickey-Supreme et autres fadaises.

Avec Supreme, outre un hommage aux vieux comics, Moore nous plonge exactement dans ce qu'il fait avec le titre : le processus de réécriture de l'histoire d'un personnage existant, avec son passif, pour en faire quelque chose de neuf. Il y ajoute même encore un 3e degré de lecture, puisque la version civile de Supreme, Ethan Crane, est lui même un auteur de comics qui doit reprendre un personnage existant...

Supreme, c'est une plongée à multiple degrés de lecture dans l'univers des comics : leur passé, les hommages, et leur processus d'écriture et d'évolution des personnages... Pas besoin d'être un fin connaisseur du phénomène pour trouver l'intérêt du titre, tout est suffisamment abordable pour le novice.

Parfaitement maîtrisé dans ce sens où Moore fait exactement ce qu'il veut, même paraître naïf et risible, ce Supreme est un petit ovni jouissif dans l'univers des comics.

Logo BD Mango Noir
à l'initiative de Mango !

Texte © Clément 2012.
Couvertures et planches : Supreme, Alan Moore, Joe Bennett, Rick Veitch, Nelson Alexander Ross, Éditions Delcourt, 2004.

 

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