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Miss Alfie, croqueuse de livres... & Compagnie !
8 mai 2012

Purge - Sofi Oksanen

Une fois n'est pas coutume, la chronique que vous allez découvrir n'est ni de mon fait, ni de celui de mon Mec. Dans la "vraie vie", quelques uns de nos amis aiment lire, et aiment en parler. J'ai donc reçu ce week-end cette chronique originale puisqu'il s'agit, comme il me l'a lui-même expliqué, d'une "non critique de livre", ou plutôt d'une critique d'un livre dont il n'a, pour l'instant, lu qu'un cinquième... Je laisse donc la parole à Clément, dont vous retrouverez peut-être à l'avenir quelques chroniques, si l'envie le prend ! - Miss Alfie

purgeA quoi reconnaît-on un "GRAND" roman?

Une première approche, préalable à l'ouverture proprement dite du livre, serait de se fier aux prix emportés par le roman en question. Soit, ces derniers sont toujours sujets à caution, polémique, ou méfiance de base. D'emblée, je me pencherai plus sur un "Prix Femina étranger" que sur un "Grand Prix de littérature du Conseil Nordique". On peut aussi complètement fermer les yeux sur un "Prix Hugo" en science fiction tant il donne l'impression que chaque auteur de SF l'a gagné, du meilleur au plus médiocre (la bise aux recalés quand même, hein, mais il va falloir penser à une reconversion les gars).

Les prix, c'est bien, ça fait un 1er tri dans les auteurs. La crème devant être de lire des "Prix Nobel de littérature", mais là on touche quand même une frange rare des auteurs, de préférence les plus casse-c... Bon.

Deuxième approche, celle de la surmédiatisation. On peut douter de la valeur littéraire de phénomènes tels que Houellebecq, Nothomb, Beigbeder, ou Catherine Millet, mais au final la lecture de leurs oeuvres n'est jamais vraiment décevante (quoique j'avoue ne pas encore avoir lu de Beigbeder. Ce qui implique, oui, que j'ai lu La vie sexuelle de Catherine M. qui n'est pas franchement génial).

La 3eme approche préalable, c'est bien entendu les critiques de livres. Félicitations vous êtes encore en train de me lire.

A ce jeu des trois critères pré-ouverture de bouquin, Sofi Oksanen gagne haut la main l'intérêt du fouineur de grand livre. Multi-récompensée, pour quasiment chaque bouquin en Finlande - le fait qu'elle soit la seule auteure dans ce pays de buveurs invétérés doit pas mal l'avantager-, mais également à l'international. Purge par exemple cumule assez honteusement les honneurs : Prix Finlandia en 2008, Prix Runeberg en 2009, Prix du roman Fnac 2010, Prix Femina étranger 2010 et le Grand Prix de littérature du Conseil nordique

Pour la médiatisation, c'est un peu pareil semble-t-il, même si la vie publique finlandaise indiffère totalement les gens de bonne compagnie (si vous êtes un spécialiste des médias finlandais : Félicitations vous êtes autiste. Et probablement alcoolique. Ou alors finlandais, mais c'est un pléonasme).

Et les critiques se font élogieuses.

En voici donc assez pour que mon détecteur à "grand roman" personnel commence à faire des tics et des tacs nerveux, suivi d'un "Crooooooouuuuuuiiiii" assez surprenant qui m'obligea à le débrancher et à commencer la lecture.

Donc à quoi reconnaît-on un "GRAND" roman une fois le bouquin ouvert?

L'intrigue est parfois un élément important. Parfois. Non parce que si l'intrigue était vraiment un élément primordial, le Da Vinci Code serait un chef d'oeuvre et non une infamie littéraire. Je me risque à penser que l'intrigue est un élément non révélateur pour la recherche des grandes oeuvres. Ne me faites pas écrire ce que je n'écris pas : une bonne intrigue est un bon élément quand on recherche un instant de plaisir autour d'un polar, d'un roman de science fiction. Ce n'est juste pas forcément pertinent pour une grande oeuvre.

Purge de Sofi Oksanen, par exemple, accumule par exemple les signaux propres à me faire fuir en Ouzbékistan. En tongs. Résumons l'intrigue du livre :

Purge parle de la rencontre de deux femmes. Une vieille et une jeune.
Qui ne se parlent virtuellement pas.
Qui gardent tous leurs secrets.
En 1992.
En Estonie.
Au secours.

Il faut bien avouer que ça se présente mal. Très mal.
Pourtant, je n'ai pas lâché ce bouquin. Et je ne le ferai pas.

C'est à cela que je pense pouvoir reconnaître un "GRAND" roman. Ce livre m'a accroché les tripes directement. Il m'a fallu une dizaine de pages pour annoncer "Ceci est un chef d'oeuvre littéraire". C'est une expérience inédite pour moi.

Le style de Sofi Oksanen est une merveille (merci, donc à la traduction de Sébastien Cagnoli).

Purge se présente donc comme la rencontre de deux femmes, qui échangent peu de mots, lesquels étant majoritairement assez peu révélateurs de leurs pensées.
Les courts chapitres alternent en descriptions de l'état d'esprit de chaque protagoniste. Le rythme général est d'une lenteur infinie, mais l'auteure ne s'emballe que très peu dans de ronflantes descriptions inutiles. Le décor se plante, seul, bribes par bribes, en touches impressionnistes. Le lecteur ressent plus l'atmosphère qu'on ne la lui impose.

Le roman, le rythme, le style se posent donc manifestement dans cette veine "Art d'Europe de l'est/nordique", dépouillée, minimaliste, contemplative. Mais là, où cette forme d'art est franchement souvent indigeste, Sofi Oksanen arrive à nouer son intrigue en la faisant avancer juste ce qu'elle veut, juste ce qui est nécessaire pour qu'on souhaite continuer à lire.
Si vous l'avez vu, le rythme du livre me rappelle largement celui du film Let the right One In (extrêmement mal traduit en français sous le titre de Morse) du suédois Tomas Alfredson. Film qui est également un chef d'oeuvre. ET un film de vampire. Ce qui prouve que tout est possible.

Il faut une sacrée dose de culot et de talent pour réussir un roman où l'intrigue et même l'histoire des personnages est encore inconnue après quasiment un quart de bouquin.
Et il faut vraiment avoir aimé une oeuvre pour en tenter une critique sans l'avoir fini, sans même avoir atteint un noeud de l'intrigue. Cela veut tout dire.

Texte © Clément 2012.
Édition présentée : Purge, Sofi Oksanen, traduit du finlandais par Sébastien Cagnoli, Éditions Livre de poche, 2012, 430 pages.

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Commentaires
V
quel beau billet! livre toujours pas lu de mon côté ! :-/
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C
ce livre a été une claque pour moi !
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M
Rhaaaaa faut que je le sorte de ma PAL !
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C
Ah. Merci canalblog pour les bugs en série et, du coup, les répétitions.
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C
@Sandrine et Céline,<br /> <br /> <br /> <br /> Il faut se replacer dans le contexte de cette non critique. Après 1/5e de roman, je n'en étais en gros qu'à la 1ere journée de vie des deux femmes.<br /> <br /> <br /> <br /> Ce qui implique que mon qualificatif de "chef d'oeuvre" vaut principalement pour la beauté et la maîtrise technique de la description de cette rencontre.<br /> <br /> <br /> <br /> J'en suis désormais à la moitié de la "2e partie" du roman, et cette partie a légèrement douché mon enthousiasme initial. Bon, étant parti de très très haut, je suis très loin d'une quelconque envie de lâcher le livre.<br /> <br /> Ce qui est un peu dommage maintenant, c'est que les personnages sont en place, et que j'ai le sentiment d'avoir compris deux-trois choses, mais que le rythme du roman ne rattrape pas ce que je suppose avoir compris. Donc, je trépigne...<br /> <br /> <br /> <br /> Il n'en demeure pas moins une technique de narration que je trouve personnellement sublime, rythmée (dans la lenteur générale du roman), et vivante.<br /> <br /> <br /> <br /> Sandrine, on pourra discuter de la difficulté de finir ce bouquin quand je l'aurais moi même achevé. Il faut avouer que ce n'est pas un véritable "page turner", et que ce n'est pas du "Oui oui" à lire.<br /> <br /> <br /> <br /> Céline : je n'ai pour l'instant pas encore atteint le trash dans le roman même si un chapitre concernant Zara me l'a fait un peu toucher du doigt. Ce devrait pas m'arreter, je pense.<br /> <br /> <br /> <br /> A suivre...
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