Les Ignorants - Etienne Davodeau
Etienne Davodeau est auteur de bandes dessinées et il ne connaît pas grand chose au monde du vin. Richard Leroy est viticulteur et un peu étranger au monde de la bande dessinée. Le premier propose ses services bénévoles pendant un an sur le domaine du second. En échange, il lui fera découvrir l'univers de la bande dessinée.
Si vous n'aimez ni la bande dessinée, ni le vin, passez votre chemin, cette chronique n'est pas faite pour vous, allez, hop, du balai !! Euh... Quoique... Attendez... En y réfléchissant bien, au contraire, restez, ça peut vous intéresser. Futuropolis avait parlé de ce bouquin dont le sujet me semblait plutôt sympa, original et intéressant. Mon dealer a adoré. L'épouse de mon dealer a également adoré. Je me suis donc vite rendu à l'évidence que ce bouquin était largement susceptible de m'intéresser.
A ce stade de ma chronique, je ne sais pas ce que je vais dire ni comment je vais le dire. C'est, je le concède, relativement handicapant dans la mesure où vous attendez impatiemment de savoir ce que je pense de ce bouquin qui est susceptible de ne vous intéresser que modérément auquel cas vous allez être tenté(e)s de quitter ce blog formidable ce qui me navrerait tant vous passeriez à côté de ce petit bijou de 280 pages.
Les Ignorants, c'est donc la rencontre de deux personnes passionnées et amoureuses de leur travail. Richard Leroy est venu un peu par hasard à la viticulture et s'est rapidement intéressé à la culture bio puis à la culture biodynamique. Pour ceux qui comme moi n'ont qu'une vague idée de la biodynamie, c'est grosso modo une culture évidemment biologique mais qui en plus prend en compte la cycles lunaires et planétaires et qui met la parcelle, la terre au centre de tout. C'est une vraie philosophie de vie à laquelle adhère Richard Leroy et qui peut paraître obtue au cartésien que je suis et au pragmatique qu'est visiblement Etienne Davodeau. Le viticulteur préfère donc la qualité à la quantité. Dans la même veine, il s'est désolidarisé des appellations AOC parce que l'appellation lui impose un assemblage qu'il n'aime pas. Je pourrais continuer ainsi avec plein d'exemples mais le fait est que Richard Leroy apparaît humain, passionné, passionnant, amoureux de sa terre et de la terre en général et qui justifie toujours ses choix par des considérations éthiques. Les rencontres qu'il offre à Etienne Davodeau nous confirment qu'il n'est pas le seul à travailler de cette façon et que ces vignerons sont autrement plus "humaines" que certains agriculteurs qui cherchent plus le chiffre que la qualité. Et l'auteur qui a bossé dans les vignes a appris avec nous à quel point l'important est le travail dans les vignes (l'épique séance de taille en particulier) plus que le travail dans les caves, ce dernier se résumant essentiellement à laisser travailler le vin comme un grand.
Dans l'autre sens, la rencontre est également passionnante. Le postulat de départ est le suivant : comment faire aimer la bande dessinée à quelqu'un qui ne la connaît pas ? Pour quelqu'un comme moi qui ai une culture BD limitée (ce en quoi je remercie chaque jour mon dealer d'élargir mon champ de vision), la lecture des Ignorants est sur cet aspect intéressante. Davodeau procède ainsi : il fait régulièrement une livraison d'ouvrages au viticulteur et lui demande ses impressions après lecture. Il l'emmène voir des auteurs (Gibrat et M.-A. Mathieu en particulier) afin que ces derniers lui présentent leur façon de travailler. Il fait également la visite de l'éditeur et de l'imprimeur afin de connaître toutes les facettes du travail du livre. Au-delà du viticulteur, c'est également le lecteur qui apprend des choses. Les impressions de Richard Leroy et les coups de coeur de Davodeau sont éminemment subjectifs mais la sincérité perme de dépasser cette subjectivité pour ne voir que la rencontre de ces deux mondes.
Les Ignorants raconte une rencontre passionnante entre deux passionnés et permet au lecteur de s'immerger dans deux mondes radicalement différents qui se rejoignent par la passion (ne comptez plus le nombre d'occurrences de ce mot et de ces dérivés dans ces chronique) que met chacun des intervenants à produire quelque chose. Le lecteur n'est pas en reste car il boit les paroles de ces deux personnes comme du petit lait tant le contenu est... il me manque un mot... passionnant, voilà, c'est ça. Mention "Coup de cœur 2011" accordée.
Pour votre pleine information, je complète avec le site de l'éditeur avec trois bouts d'interviews de l'auteur et du vigneron et avec un autre lien et une interview un peu plus longue mais écrite de l'auteur.
Texte © Alfie's mec 2011
Couverture et planches (cliquez sur les images pour agrandir) : Les Ignorants, Etienne Davodeau, Éditions Futuropolis, 2011.