Les amandes amères - Laurence Cossé
Edith est traductrice. Tous les mardi, Fadila, une vieille dame originaire du Maroc, vient faire du repassage pendant quelques heures. Rapidement, Edith se rend compte que Fadila ne sais ni lire ni écrire le français. Elle propose alors de lui apprendre.
Il est rare que j'achête des romans lors de lors sortie, préférant les formats poche, avouons-le, pour de basses questions financières. Pourtant, parfois, je me fais plaisir en me payant le luxe d'une nouveauté, et j'avoue avoir craqué pour le pitch de ce nouveau roman de Laurence Cossé. De l'auteur d'Au bon roman, je n'avais jusqu'à présent rien lu. Les amandes amères se devaient donc d'être une rencontre réussie pour que je tente de découvrir un peu plus de son oeuvre.
Dans ce roman relativement court (oui, moins de 220 pages, qui se lisent en moins de trois heures, j'appelle ça court !), Laurence Cossé nous raconte l'histoire d'une amitié étrange, peut-être pas si égale que ça, entre une femme française, mariée, mère de deux enfants, traductrice à domicile, et une vieille marocaine, mère de trois, quatre, cinq enfants, grand-mère, vivant dans une chambre de bonne pour laquelle elle ne reçoit pas de quittance de loyer, qui ne sait pas lire mais s'arrange dans son quotidien.
Si l'écriture tout en nuances, tout en touches délicates, permet de découvrir l'histoire de Fadila, de nous rappeler le fossé qui peut exister entre les cultures et entre les générations, j'avoue que j'ai trouvé Edith bien sûre d'elle. Fadila, plus de soixante ans, a toujours vécu sans savoir lire. Ni le français, ni l'arabe. Enfant, elle ne parlait d'ailleurs que le berbère et n'apprit l'arabe que plus tard. Face à cette femme passée par de nombreuses épreuves qu'Edith découvrira plus par des tiers que par elle, Edith m'est apparue comme en dehors de la réalité... Comme toutes ces personnes qui veulent bien faire mais qui ne savent pas comment s'y prendre, risquant au final de blesser l'autre parce qu'on ne se sera pas compris...
En nous relatant la tentative de partage de savoir, Laurence Cossé nous offre un roman qui va bien plus loin que la seule réflexion autour du savoir lire, et met en perspective deux cultures très différentes, l'une du savoir, l'autre du pragmatique. Les amandes amères, ce sont ces amandes sauvages qui sont parfois utilisées pour réaliser des confiseries. Une jolie métaphore pour rappeler que la lecture, si elle nous parait inné, n'en ait pas moins un apprentissage qui peut être compliqué.
Texte © Miss Alfie 2011.
Édition lue : Les amandes amères, Laurence Cossé, éditions Gallimard, collection Blanche, 2011, 217 pages.