Une_ombre_sans_douteAlors qu'il travaille à l'étranger, George apprend le décès brutal de ses parents, à un jour d'intervalle. Fils unique, il profite de l'occasion pour rentrer en France, prendre sa retraite, et retourner dans sa ville natale régler la succession de ses parents. Jour après jour, il découvre le passé de ses parents, et lève le voile sur un secret lourd à porter, et tente de combler les blancs de son histoire.

J'ai acheté Une ombre, sans doute à l'automne dernier, lors de l'édition 2010 des Mots Doubs, sur les conseils de son auteur, Michel Quint. De ce monsieur, je n'avais rien lu, même si je connaissais de nom quelques uns de ses romans, dont Effroyables jardins qui fut adapté pour le cinéma il y a quelques années. C'était donc une bonne occasion que de franchir le pas d'une première rencontre, surtout que parmi ceux conseillés par l'auteur, mon choix s'est porté sur un roman évoquant la sombre période de la seconde guerre mondiale, période de l'Histoire qui m'intéresse beaucoup, me questionne, m'interpelle...

Avec Une ombre, sans doute, Michel Quint nous entraîne à la suite d'un jeune sexagénaire qui se trouve confronté au passé familial lors du décès subit de ses parents dont toute la vie semble entouré d'un voile de secrets. C'est Augusta, l'ancienne couturière de Valentine, la mère de George, qui lui racontera le passé de ses parents, passé dans lequel elle a joué un rôle. Navigant entre les souvenirs parfois usés et arrangés de la vieille Augusta, et ceux de sa mère qui lui reviennent par vague, George part à la recherche de son passé, tentant de trouver sa place au milieu de cet héritage qu'il est désormais seul à assumer et à porter.

Comme dans toute histoire sur la seconde guerre mondiale, on retrouve des résistants, des collaborateurs et des allemands occupant le territoire, mais contrairement à beaucoup d'autres romans sur cette période, Michel Quint nous dépeint des personnages plus complexes qu'il n'y parait. Qu'il s'agisse des parents de George, de leurs amis de jeunesse, de George lui-même ou de ses amis devenus adultes dans le village de leur enfance, aucun n'est totalement bon ou totalement mauvais. Chacun semble osciller entre les choix que la vie impose, sa propre conscience et la nécessité à laquelle on se trouve (ou l'on pense se trouver) confronté.

Au fil des pages de ce roman troublant, on en vient à s'interroger : et moi, qu'aurai-je fait à leur place ? Comment aurai-je comjugué mes sentiments, mes convictions et ma volonté de m'en sortir ? C'est quelque part ce qu'interroge Michel Quint dans ce roman, nous rappelant que les hommes ne sont ni totalement bons, ni totalement mauvais, et nous interpellant sur l'amour et la trahison.

Une petite immersion au milieu des pages ?

"Pendant ces quelques jours du début d'été à Crécy, Augusta m'a fait le récit d'un épisode vécu vers la fin de la Seconde Guerre. Vécu, revisité par ses soins ? Peu importe, puisque ses mots ont suscité des choses. Elle s'est mis l'âme au net par ce qu'elle livrait d'elle, a ôté les housses des vieux meubles, écouté monter la rumeur des mondes anciens... Tout tenait en deux noms : Robs Wilson, l'Anglais, et Rainer Goetz, officier allemand, et un lieu, l'atelier de couture avec ses ouvrières, maman, papa... Les héros et les exploits de l'épopée familière, contée sans cesse par ma mère pendant mon enfance... Saut qu'Augusta n'a pas donné la même version.." (p. 34)

A lire aussi :
L'excellente chronique de Clarabel qui dit bien mieux que moi le talent de Michel Quint : "Il n'y a pas d'héros dans ce livre, juste des êtres désespérés et capables (coupables?) d'accomplir des actes fous et insensés."

Texte © Miss Alfie 2011, sauf citations.
Edition lue : Une ombre, sans doute, Michel Quint, éditions Gallimard, collection Folio, 2009, 242 pages.