De pierre et de cendre - Linda Newbery
Samuel Godwin est un jeune peintre. Il est engagé par Mr Farrow pour enseigner la peinture à ses deux filles, Juliana et Marianne. Veuf, l'homme vit avec ses deux filles, une jeune gouvernante, Charlotte Agnew, et quelques domestiques dans une magnifique demeure qu'il a fait construire. Mais quelques mystères règnent sur le domaine de Fourwinds et la tranquillité de Samuel et de Charlotte risque bien vite d'être compromise.
Non, ce n'est pas vrai, nous ne sommes pas le 15 novembre, nous sommes le 10 janvier, date prévue pour cette lecture commune ! Non, ce n'est pas vrai, je n'ai pas attendu le 9 janvier pour lire ce roman, je l'ai terminé le 15 novembre ! Mais qu'importe depuis quand cet article est prêt et au chaud dans l'interface de gestion de mon blog, l'essentiel est qu'il n'apparaisse sous vos yeux qu'aujourd'hui. "Et bien, me direz-vous, tu n'es pas en retard !" Certes, mais quand un livre me fait de l'œil comme celui là, je ne peux résister ! C'est donc avec quelques mois d'avance que j'ai ouvert De pierre et de cendre pour découvrir l'univers créé par Linda Newbery.
Enfin, créé, c'est vite dit, car je suis au regret de vous annoncer que la dame a pris un paquet de clichés de la littérature britannique pour nous les resservir assaisonnés d'une intrigue assez simpliste dont on devine assez rapidement les tenants et les aboutissants. Nous nous retrouvons donc dans un manoir anglais isolé d'un petit village, où l'un des narrateurs arrive une nuit de pleine lune et pousse un portail qui grince bien comme il faut. Cette maison est habitée par un jeune veuf père de deux charmantes jeunes filles sujettes aux désordres mentaux et attachées à leur nouvelle gouvernante, une jeune femme effacée qui rêve d'une vie meilleure. Rajoutez des craquements de parquets, d'étranges disparitions, des amours contrariés et vous aurez entre les mains De pierre et de cendre, roman à l'atmosphère victorienne mais bien écrit en 2007.
Passé cette mise en situation, je me dois malgré tout de vous dire que si vous souhaitez faire connaissance avec Samuel et Charlotte, vous avez tout à fait raison, car quoi que j'en dise, il s'agit d'un roman qui se lit très facilement et qui nous entraine en deux temps trois mouvements dans la vie de cette famille, et cela par un habile subterfuge puisque Linda Newberry nous offre un récit à deux voix : chaque chapitre est narré alternativement par Samuel puis par Charlotte. Deux paires d'yeux donc, pour une double vision des choses qui nous invite à la fin de chaque chapitre à passer au suivant pour avoir le point de vue de l'autre sans que cela ne soit redondant puisque rares sont les moments relatés deux fois. Côté style, rien à redire : le verbe est accessible à tous, y compris à moi qui suis allergique aux tournures classiques, mais dans un langage malgré tout soutenu qui donne clairement un charme à ce livre.
Le dernier bémol sera la fin de ce roman, Linda Newbery ayant eu apparemment un mal de chien à se séparer de ses personnages... Elle nous offre donc une fin dès moins imaginatives pour le lecteur qui, en refermant le livre, saura précisément ce que sont devenus chacun des personnages... Dommage pour les lecteurs qui aiment voir planer le suspense et imaginer eux même les différentes options...
Malgré quelques défauts et un manque d'originalité, De pierre et de cendre permet de passer un bon moment et de se replonger dans une atmosphère qui redonne envie de lire quelques classiques inégalables du genre...
Une petite immersion au milieu des pages ?
"La brume s'accrochait au sol, si bien que les arbres avaient l'air de plonger leurs racines dans quelque marais vaporeux. Je tournais la poignée. La partie gauche du portail s'ouvrir en un cri grinçant, désagréable, dont la nuit renvoya l'écho." (p. 17)
"Il arrive qu'une employée de ma condition se sente isolée dans la maison où elle travaille. Nous ne sommes pas de la famille. Nous n'appartenons pas non plus à la domesticité. Notre rôle se situe plus ou moins entre les deux." (p.24)
"Mr Farrow me présentait comme un "artiste de grand avenir", comme un "jeune peintre doté d'un immense talent", et autres descriptions de la même farine. J'avais choisi de ne pas le contredire. Au contraire, je commençais à y adhérer moi-même, et à songer que mon travail devait receler sous une forme latente, une étincelle de génie visible de lui - sinon de moi." (p. 72)
A lire aussi :
Ont lu ce livre avec moi : Céline, George, Hélène, Karine :), Lael, Syl, Vilvirt.
EDIT du 30 décembre 2010 : Cet article a bien été écrit le 15 novembre. Or, depuis sa rédaction, j'ai lu La dame en blanc de Wilkie Collins, et je n'ai pu que constater que lorsque j'écris que Linda Newberry n'a pas inventé grand chose, je ne mens pas puisqu'au cours des premiers chapitres de La dame en blanc, j'ai eu l'impression de me retrouver dans De pierre et de cendre. Donc si vous avez aimé l'un, n'hésitez pas à lire l'autre !
Texte © Miss Alfie 2011, sauf citations.
Edition lue : De pierre et de cendre, Linda Newbery, traduit de l'anglais par Joseph Antoine, éditions Le Livre de Poche, collection Littérature & Documents, 2009, 380 pages.