Slimane a onze ans. Il n'est pas arabe, son frère s'appelle Maxence et sa mère avait envie de voyager quand il est né. Il habite un HLM en banlieue parisienne, va au collège avec Max et protège sa mère du Démon, leur père. Le Démon, quand il travaille, n'a rien de démoniaque. En revanche, quand il est au chômage, il boit, il ordonne, il cogne. Fort. Très fort. Jusqu'au jour où Maxence, le frère qui sait rendre la vie merveilleuse, décide de partir au Pays sans Adultes. Pour Slimane, rien ne sera plus jamais comme avant.
Ondine Khayat signe avec Le Pays sans Adultes un roman poétique et touchant. Écrit avec les mots d'un enfant de onze ans, avec les yeux d'un enfant de onze ans, il nous transporte dans un monde où famille rime avec ennemi, où le père utilise ses mains pour frapper au lieu de câliner, où le monde des adultes est sacrément moche et sombre. Alors, pour s'en échapper, Maxence imagine une autre vie pour Slimane, où la mer est née de toutes les larmes des gens tristes, où si l'on mange des étoiles, on devient plus gentil et où les papas sont forcément gentils. Une vie que les deux frères rejoignent depuis leur tapis bleu, en enfilant les ailes de Slimane.
Mais à côté de la poésie née de l'imagination des enfants, on trouve un réalisme poignant et cruel. Comme ce cercle de la violence si bien décrit, avec cette phase de lune de miel entre deux crises, cette période où tout le monde pense que la vie va devenir normale, à défaut de le redevenir, que le père ne frappera plus, que la mère n'ira plus jamais au bureau avec du maquillage pour cacher ses bleus, que les enfants ne seront plus obligé de mentir pour louper le cours de piscine à l'école... Et puis à nouveau, la violence, les coups, les bleus, le sang, le désespoir plus profond à chaque fois, la désillusion qui revient, plus forte encore, et les bras que l'on finit par baisser...
Oui, parce que Le Pays sans Adultes, même s'il est plein de poésie, décrit une vie sans concessions, une vie où le mal l'emporte parfois sur le bien, où la meilleure des bonnes volontés finit par abdiquer, où l'on préfère fermer les yeux sur ce qui nous entoure plutôt que de les ouvrir sur une réalité qui nous fait trop peur. Une vie bourrée de contradictions, où ceux qui vont mourir veulent vivre, où ceux qui vont vivre veulent mourir ; où ceux qui n'ont plus le droit de manger ne rêvent que de cela, où ceux qui ne veulent vraiment plus manger sont obligés...
Le Pays sans Adultes d'Ondine Khayat m'a été gracieusement envoyé par les éditions Anne Carrière et le site Chez les filles, et je les remercie pour cette découverte qui conviendra parfaitement à la période de Noël qui arrive... Oui, un conte de Noël, voilà ce qu'est ce roman !
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Texte © Miss Alfie 2008.
Image Le Pays sans Adultes, Ondine Khayat, Éditions Anne Carrière (2008).